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Dérapage contrôlé ... 

11/19/2014

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Et c’est ainsi qu’une saison après avoir débuté en ski alpin, je me suis retrouvé ‘’ patrouilleur ‘’ pour Ski-Secours Québec !

Ski-Secours Québec … une autre organisation balayée par le temps et repoussée aux confins de la mémoire collective. Amalgamée à la patrouille canadienne de ski, il n’en reste rien sinon quelques photos.

Mais à cette époque, être membre de S-S Q, c’était faire partie de l’élite des skieurs. Billet de saison payé, uniforme fourni, réduction à la cafétéria de la station … le fait d’être patrouilleur allait permettre à mon père d’acheter le matériel et les billets pour mon frère et ma sœur.

Économiquement, c’était fantastique pour la famille. Et pour un adolescent comme moi, le prestige de l’uniforme laissait espérer des conquêtes faciles parmi le lot de débutantes que je ne pourrais qu’impressionner…

J’ai donc suivi les cours de premiers soins durant les fins de semaine. Nous sommes loin des techniques modernes ! On nous assignait une petite trousse portée à la taille : épingles à couches, compresses, bandages triangulaires, ciseaux et diachylon. Rien d’autre … voulant dire qu’il était préférable pour un skieur , à l’époque, de ne pas frapper un arbre. De toute façon, l’ambulance arrivait au bout de vingt minutes et l’évacuation par hélicoptère était inconnue. J’ai donc appris à poser des bandages, stopper une hémorragie, immobiliser un blessé et donner le bouche à bouche.

Le bouche à bouche ? Évidemment la partie la plus excitante du cours. On devait pratiquer sur un mannequin – idem pour la réanimation cardiaque – mais le seul fait de penser bouche à bouche laissait envisager d’infinies possibilités… A cet âge, on ne pense pas au gros bonhomme fumeur accro qui vient de consommer six bières au bar! On imagine plutôt Barbara Eden  ( ‘’I dreamed of Jeannie’’ : elle jouait la djinn ) qu’on doit sauver d’une avalanche !

Vint le mois d’octobre et les premières neiges. Sessions de pratique à la station : immobiliser , immobiliser , immobiliser… plus immobile que ça, le blessé, et il était mûr pour se faire momifier!

Le local de la patrouille se résumait à un petit rectangle dont un coté servait de lit/banc/chaise. Un lavabo, un miroir, une armoire et la porte donnant sur l’extérieur. Les skis restaient dehors mais toutes les bottes se retrouvaient sous le banc. Il était à espérer ne jamais avoir plus d’un blessé à la fois parce que l’espace était pour le moins limité. Et à 8 patrouilleurs … mais à cette époque tout ce beau monde était en ski en tout temps  et le walkie-talkie n’était qu’une innovation vue à la télévision. Je pouvais facilement faire trente descentes par jour, quelquefois plus ! Au pire, le préposé à la remontée nous avertissait qu’il y avait un blessé quelque part sur les pentes.

La station étant ouverte pour les pratiques de premiers soins, cela signifiait que les employés travaillaient à couper le foin dans les pentes, attacher t-bars et pomas, vérifier la machinerie. Pendant ce temps, les propriétaires, directeurs, investisseurs… tout ce beau monde était dans le bar. La saison de la chasse battant son plein , c’est à qui avait l’histoire la plus rocambolesque que tous croyait volontiers après avoir ingurgité une ‘’caisse de 12’’. Voulant dire 12 bouteilles …

 Non … pas moi … encore aujourd’hui, la bière ne me dit rien qui vaille !

Début novembre, aux premières neiges, la première chose accomplie au Mt Hibou, c’était l’arrosage de la patinoire! Pas de neige artificielle et pas de canons, donc il était obligatoire d’attendre quelques bonnes bordées avant de permettre l’accès aux pentes. Mais la patinoire… la patinoire… le sol gèle bien avant l’arrivée de la neige et, dans tous les villages aux alentours, il existait une patinoire dédiée uniquement à la pratique du Ballon-Balai!

Ah bon … vous ne connaissez pas le ballon-balai… facile! Imaginez un ballon de handball dur, gelé dur en fait. Une patinoire complète avec ses buts de hockey.  Deux équipes de six hommes sur la glace, tous dans un état fortement alcoolisé. Chacun de ces hommes tient un balai dont la paille est coulée dans le plastique liquide ce qui la rend aussi dure que le bois.

Voilà!

Ahhhh… les règlements? Le but du jeu , c’est d’amener le ballon dans le but de l’autre équipe en le frappant avec le balai… Il n’y a pas d’autres règlements! Si vous avez le ballon, on peut vous frapper avec le balai. Si vous n’avez pas le ballon, on peut vous frapper avec le balai. Si vous pensez entrer sur la patinoire, on peut vous frapper avec le balai. Si vous avez le ballon et que vous venez du village voisin et que vous avez regardé avec concupiscence la sœur du gardien de buts de l’autre équipe, tout le monde va vous frapper sans retenue. Et , avant la fin de la partie, il y aura sans doute une bagarre générale pour venger l’honneur de la demoiselle qui, pendant ce temps, passe la nuit avec un joueur de l’équipe à affronter la semaine suivante!

C’était, à l’époque, un massacre… et spécialement au Mt Hibou parce que le bar se trouvait à un escalier de distance de la patinoire et que les joueurs du village se prenaient pour Casanova… A ce jour , il n’y a pas de dentiste à Stoneham parce que tous les adultes d’un certain âge ont perdu leurs dents à jouer au ballon-balai!!!

Le ski servait à amener de l’argent à la maison mais le ballon-balai était LE sport par excellence et l’ouverture de la patinoire demeurait l’évènement attendu par tous les hommes du coin et par les ambulanciers et policiers qui s’y donnaient rendez-vous pour ramasser les blessés et faire cesser la bagarre. Une fois seulement un policier a tenté de jouer… il s’occupait de l’école de ski et était un tantinet arrogant devant ceux qu’il considérait comme des retardés. Il a mangé une raclée, mais une maudite raclée… tellement qu’il a quitté notre petit monde! Pour une fois que les paroissiens avaient la chance de se venger d’un policier qui , représentant malheureux de son groupe de travail , leur donnait une contravention par semaine sur l’autoroute du coin !!!

 

Plusieurs sources naissaient dans la montagne, certaines directement au milieu des pentes. Jamais personne n’a cherché à les canaliser .

En fait , maintenant que des gens riches squattent le lieu de mes plus beaux souvenirs en y construisant des demeures cossues , quelqu’un s’est aperçu du problème et on a aménagé des bassins de rétention… faisant disparaître le plat en bas des pentes où les débutants apprenaient à glisser en poussant sur leurs bâtons … sans doute l’endroit où il s’est cassé le plus de coccyx de la région.

Pourquoi ???  Tout simplement à cause de l’eau des sources qui coulait et s’y répandait ou tout simplement la glace , un médium plastique , qui s’étend même si on la croit immobile .

Et si elle coulait là, elle coulait tout aussi bien dans les pentes, créant de petites rigoles bien encaissées que jamais personne n’allait jamais remplir de foin pour tenter d’y créer une surface dure sur laquelle ma neige s’amoncellerait.

Ces rigoles furent la cause de ma première chute …

Un blessé dans la no.5 … vite! Il faut descendre le traineau dans la pente la plus pentue …

On voit bien les skis en X à la moitié de la pente la plus pentue du Mt Hibou . Quelques personnes autour … Je saisis la barre avant et je zigzague rapidement vers le bas … pas trop difficile car elle glisse dans les virages . Impressionnant mais sans danger !

J’arrive au niveau du blessé , de la blessée en fait … un dame d’un certain âge et d’un poids plus que certain qui , de toute évidence n’était pas à sa place dans notre pente la plus difficile .

La demoiselle de la patrouille dont je vous parlais arrive juste derrière moi avec un collègue . Ils prennent en charge la blessée de façon très professionnelle … puis vient le temps de la placer dans le traineau.

Non mais qu’est-ce qu’il donnait à manger à la cafétéria ce midi là ? Des frites au plomb ??? La dame devait peser autant que la Statue de la Liberté – la petite – et , tout en faisant bien attention à sa cheville , parfaitement immobilisée , on a eu un mal de chien à la soulever . Tellement que je pensais suggérer de la rouler !! Il y a quand même une certaine décence à respecter donc on a stopper quelques skieurs qui sont venus nous donner un coup de main .

La patiente sanglé dans le véhicule , je reprends les rênes tandis que mon espoir amoureux se saisit de la corde attachée à l’arrière . Elle sert de poids mort … Enfin … elle devait faire 5 pieds  (155cm) et peser 90 livres ( 45kg ) , la fille !

Je me donne un élan et commence à glisser lentement en dérapant , conscient de retenir un poids pour le moins galactique .

Tout va bien , tout va bien … un peu plus de vitesse car la pauvre gémit en se plaignant du froid … la prochaine fois , tu iras en vacances en Floride ! que je pensais … mais ce n’est pas charitable du tout !!! Allez , un tantinet plus vite ….

C’est là que j’ai frappé la rigole – le trou – du bas de la no 5 !!!!!!!

En dérapage latéral , mes deux skis sont entrés directement dedans , un dénivelé d’une vingtaine de cm tout au plus. Ce qui a suffi à me faire tomber .

Le traineau et sa passagère m’ont passé sur le corps …….. on a dû entendre les cris de la pauvre dame de la montagne d’en face .

Je me suis retrouvé le nez directement en face des carres des Kneissl de ma future blonde qui tentait désespérément de stopper le Jaggernaut . J’ai levé la tête, attrapé la corde qu’elle tenait et servi de corps mort à tout cet équipage .

Je vous laisse réfléchir sur les bleus que j’avais sur tout l’arrière du corps ! Une semaine après , j’étais encore bleu !!

Oui , pas beaucoup de réparations dans les pistes du Mont Hibou . C’était pareil dans les pistes de skis de fond !

La femme du cousin de mon père … Georgette … venait faire du ski de fond avec mon père , ma mère et son mari . Elle était … comment dire … pataude ??? Je peux dire ça , pataude ???

Bref , une belle journée après une tempête de neige , voilà t’y pas Georgette qui se lance – pas vite – sur le sentier suivi de qui vous savez . Je tiens l’histoire de ma mère et je devrais l’enregistrer … Donc Georgette se lance et devance la petite troupe . A cette époque les pistes de skis de fond n’étaient pas entretenues comme maintenant , surtout ici … il y avait des hauts et de bas , des virages et des arbres , beaucoup d’arbres . Et pas terriblement de contrôle sur les skis .

Henri , le mari de Georgette , arrive en haut d’une petit butte et entend des cris . Il regarde la piste et voit que des traces n’ont pas suivis le sentier mais s’enfoncent dans la forêt pour soudainement disparaitre. Ne voyant personne à l’avant , il pense tout de suite à son épouse et accélère suivi de mes parents .

Il s’avance entre les arbres et voit un gros dôme rouge qui sort de la neige : les fesses de Georgette !!! La tête dans la neige , les skis enfoncés dans une ruisseau caché qui coulait encore , il ne restait plus de Georgette que ses fesses et le son de sa voix appelant au secours .

Mais là … comment faire ?

La pauvre Georgette avait la souplesse d’une pelle à neige ! Une force physique stimulée par des heures à jouer aux cartes  .  Et ses skis étaient pris dans le ruisseau , sous des branches …

Henri lui  sortit la tête de sous la neige ce qui n’aida pas au niveau sonore puis tous tentèrent de tirer et de pousser pour la sortir de son mauvais pas . Rien à faire … S’ils enlevaient leurs skis , les sauveteurs calaient dans la neige profonde et ne pouvaient plus lever … Il n’y avait comme solutions qu’une grue ou des pelles . Mon père retourna au chalet chercher des pelles et , une heure plus tard , Georgette était assise sur le bord du ruisseau , trempée , fourbue , incapable de se relever mais criant encore .

On dût aller la chercher avec un traineau.

A pieds.

Quelqu’un avait emprunté la motoneige de la station pour aller chercher un joueur de ballon balai dont l’auto ne démarrait plus …

Vous connaissez maintenant les priorités qui existaient au Mont Hibou !

1 Commentaire
Saratatine
11/19/2014 12:06:58 pm

Pauvre Georgette!

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    Le Québécois Déjanté

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