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SAPIENCE

1/29/2015

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SAPIENCE

 

 

Les premiers orages de mai 1834 lavaient le sang répandu au pied des barricades de Paris mais, heureusement, le cabinet d’étude de mon ami, sis au 33 rue Dunot, était encore un havre de calme au milieu de ces cataclysmes envoyés par les Dieux pour perdre les hommes.

Je posai ma pipe et me tournai vers mon ami qui était attablé devant une pile de manuscrits.

 - Avez-vous maintenant une vision claire des œuvres de ce St-Amant?

Dupin leva les yeux.

 - Tout n’est pas dit! Son œuvre est connue, sa vie beaucoup moins. Comme s’il avait voulu placer sa vie derrière une de ces étoffes orientales dont le chatoiement empêche de discerner avec clarté ce qu’elles recouvrent. Mais j’approche du but!

 - Que pouvez-vous espérez de celui qui fut chargé, en son temps, de définir le burlesque et le grotesque? Vous me l’avez défini : ‘ le burlesque déconcerte la vanité humaine en présentant les grandes choses et les plus sérieuses d'un côté ridicule et bas ‘! Il fut burlesque jusque dans sa biographie…

 - Je crois, mon ami, que cette posture cache quelque chose.

A ce moment on cogna à notre porte puis, sans attendre la permission du maitre des lieux, le visiteur ouvrit et se présenta à nous.

C’était monsieur G., le préfet de police de Paris.

Cet homme admirable et détestable, admiré et détesté, n’en était pas à sa première visite au 33 rue Dunot. Son arrivée signifiait qu’un conundrum contrariait le sommeil profond des puissances de l’heure. 

 - Accepteriez-vous un verre de Jurançon, monsieur le préfet ? demanda Dupin. Un ami de la famille m’en a livré un demi-queue, gardé au frais dans la paille. Vous le prendrez avec un peu de glace de la Seine.

 - Je vous remercie mais il est tard et une affaire toute aussi bizarre qu’importante m’amène ici !

 - Bizarre? répondis-je. Vous n’apportez à mon ami Dupin que les enquêtes les plus chimériques !

 - Il est vrai que seul le Chevalier Dupin peut, dans ce genre de situations, apporter un peu de lumière alors que nos services sont dans la noirceur la plus totale. Pour entrer dans le vif du sujet, messieurs, vous connaissez comme tous les habitants de Paris la triste affaire de la rue Trace-Putain !

 - Ce massacre de civils innocents par les troupes chargées de démanteler les barricades ! lança Dupin. Triste affaire d’autant plus que les responsables ne furent jamais inquiétés par la Justice. Douze morts… la vie humaine aurait-elle si peu de valeur sous notre monarchie ?

 - Messieurs, je suis le préfet de police et je ne peux que déplorer cet incident ! Hélas la brigade responsable de cet acte ne relève pas de mon service. Il n’en demeure pas moins qu’un coup de feu fut tiré d’une fenêtre de l’immeuble de l’avenue Transnonain, l’ancienne rue Trace-Putain : la cible visée était le général Bugeaud. Et ce tireur ne fut jamais démasqué. Nos renseignements affirment qu’il est membre d’une société secrète comme il y en a tant, une société qui a des liens avec les Canuts de Lyon. J’aimerais que vous acceptiez de quitter Paris pour quelques jours.

 - Quitter Paris pour Lyon ? Impossible ! mon temps est trop précieux !! répondit Dupin.

 - Qui vous parle de Lyon ? Vous auriez par contre tout loisir de visiter la région de Fontainebleau, Chevalier. Et le gouvernement est disposé à vous rembourser les frais encourus et à vous accorder une généreuse rétribution en cas de réussite. Je suis convaincu qu’il vous manque quelques livres…

 - Et pour quelle raison l’un de vos sbires, une quelconque mouche, ne peut-il pas mettre la main au collet du coupable ?

 - Nous ne voulons pas attraper le coupable. Pas tout de suite. Nous voulons suivre le fil d’Ariane qui nous mènera aux promoteurs de toute cette agitation. Nous avons un document… mais nous ne savons pas le lire… et surtout nous ne savons pas où ces républicains de malheur vont se rencontrer… tous les indices mènent à Fontainebleau…

 - Et ce document ? demanda Dupin.

 - Un seul mot écrit sur un bout de papier… un lieutenant l’a ramassé à la fenêtre d’où l’on a tiré le coup de feu fatal. Un mot : Neith…

 - Neith… murmura Dupin. 

 

 

Le lendemain, après huit heures en malle-poste, nous posions nos portemanteaux dans un meublé de belle grandeur situé dans une allée, près des dépendances du Château.

Le voyage avait été éprouvant pour mon ami qui n’aimait que la tranquillité de son étude. Il s’était réfugié, en voiture, dans la lecture de quelques bouquins traitant de mythologie.

 - Le logis d’une grande horizontale, sans doute la maitresse en titre d’un militaire de haut rang muté vers d’autres horizons. Au moins, on a eu la bonté d’allumer un feu à la cheminée avant notre arrivée.

 - Rien ici n’indique une quelconque présence féminine, Dupin !

 - C’est qu’il faut voir non pas ce qui est ici mais plutôt ce qui n’y est plus ! Les ombres des objets parlent de leur propriétaire… observez les murs… vous y voyez quelques tableaux mièvres, des vues bucoliques. Mais l’ombre d’anciens cadres, beaucoup plus grands, se devinent sur le mur, là… devant le lit…De même, jetez un coup d’œil au plancher : le lit actuel est petit mais on aperçoit bien un périmètre beaucoup plus important marqué par l’usure des pas. Regardez ce que devait être la ruelle de lit ! Si vous étiez dans ce gigantesque lit, vous auriez une vue directe sur des peintures qui étaient sans doute plus affriolantes que ce que nous offre les toiles actuelles. Il y a aussi ce bout de ruban en satin émeraude à la fenêtre. Déchiré… sans doute en la refermant une dernière fois. Je prends cette chambre et je vous laisse sa voisine, probablement celle de la dame de compagnie !

 - Et pour nos recherches ? dis-je.

 - Ce voyage m’a épuisé ! Et la personne que je désire voir ne nous recevra pas ce soir… je lui fais parvenir immédiatement ma carte de visite par un factotum puis nous verrons demain.  

 

C’était une superbe matinée ! L’une de celles qui nous font rêver du printemps en plein cœur de l’hiver. Celles qui s’attachent à nos mémoires et y brodent des vertigo dignes des contes de l’Orient.

Nous étions à siroter un café plus que décent, attablés à une terrasse de la rue principale. Dupin terminait la lecture d’un guide de Fontainebleau lorsqu’il leva un doigt.

 - Mon cher ami, nous allons recevoir une sommité à notre table. Il faut être discret et ne rien révéler de notre affaire… L’homme en question passe pour un génie mais, comme bien des hommes doués, il manque de discernement. Il lui manque cette distance critique qui fait la différence entre le génial et le sublime ! Pour tout dire, c’est un croyant. Il croit à toute cette branle que l’on nomme ‘politique’… Il est donc suspect : ses accointances sont trop nombreuses pour qu’il n’ait pas, à tout le moins, vent de certaines machinations. Ah, le voici…

Dupin se leva et tendit la main à un homme d’âge mûr, aux cheveux en bataille, et dont le visage dégageait à la fois tristesse et arrogance.

 - Jacques Joseph Champollion, pour vous servir !

Les présentations faites, Dupin l’invita à partager notre petit déjeuner.

 - Chevalier, vous devriez être prudent lors de la rédaction de vos messages! Écrire en se référant à notre glorieux Empereur, en ces temps maudits, peut vous valoir quelques désagréments si d’inadvertance la missive est subtilisée par une mouche. Mais ne craignez rien : je l’ai brûlée! Mon attachement à Napoléon fut récompensé par une résidence surveillée et la perte de bien des privilèges…

 - Je vous en suis reconnaissant, répondit Dupin. Vous êtes en pèlerinage sans doute, comme nous le sommes!

Champollion-Figeac se tourna vers le Château.

 - Cette demeure renferme bien des souvenirs! Son Ombre l’habite encore…

 - Effectivement! Et les écrits de votre frère? De nouvelles publications à paraître? Car l’égyptomanie dépasse nos frontières! Déjà que la porcelaine de Paris se couvre de motifs du Delta… les bourgeois peuvent apprécier dieux et déesses sur leurs tables… Isis, Osiris, Thot, Bastet, Neith…

 - En effet, en effet! Mon frère a redonné vie à toute une civilisation! Civilisation que maintenant on s’arrache…

 - Bien dit… bientôt on va nous vendre des crocodiles et nous offrir la momification. Les symboles égyptiens sont partout…même ici, au Château! lança Dupin en pointant l’édifice.

 - Je me suis laissé dire par Vivant Denon que l’Empereur caressait les sphinx en bas des escaliers à chacune de ses sorties…

 - Ahhh, Sekhmet…

 - Mais aussi Neith, mon cher!

La discussion continua ainsi durant une heure, un échange sur l’archéologie, la linguistique, les sociétés savantes. Saupoudrée de quelques allusions bonapartistes. Puis Champollion termina son café et nous quitta, prétextant un rendez-vous avec un collectionneur possédant une plume ayant appartenu à qui l’on savait.

 - Notre homme est innocent bien que, vous l’avez remarqué, il a quitté notre table en emportant une petite cuiller en argent. Voici qui n’augure rien de bon pour le futur…

 Nous nous levâmes et primes la direction de l’entrée monumentale du Château.

 - Et comment savez-vous cela, Dupin?

 - Si le complot était bonapartiste – et on sait qu’il n’y a pas plus bonapartiste que Champollion- il en serait informé et, à la mention de Neith et du Sphinx, il aurait immédiatement aiguillé la conversation vers Sekhmet. Vous avez constaté sa méfiance envers les mouches…

 - Mais Neith et le Sphinx…

 - Quelquefois l’un est la représentation de l’autre… et comme le Sphinx est mieux connu que la déesse de la guerre…

Le temps était idéal, clair et sans nuage, une journée parfaite pour visiter la demeure de nos anciens rois. Marchant d’un bon pas, Dupin et moi atteignîmes la Cour de la Fontaine en peu de temps.

 Dupin sortit de l’une de ses poches un petit volume écorné.

 - Un ancien livre décrivant les attraits du Château … il semble qu’il existe deux Sphinx de bronze au pied de l’escalier, juste par-là! dit-il en pointant de sa canne.

Arrivant à l’escalier, rien … pas de Sphinx…

Un jardinier d’un âge certain était à planter des fleurs à quelques pas de nous. S’il y avait un Sphinx dans les parages, il saurait sans doute nous y conduire.

A la question, le bonhomme releva la tête et laissa tomber sa petite pelle.

 - Mais vous sortez d’où, mes bons messieurs? Il y a bien trente ans que ces statues ont été fondues pour faire des balles! Le métal doit se trouver dans le fin fond de la Russie, au même endroit que tous nos vaillants grenadiers qui ne sont jamais revenus…

 - Mon cher ami, dis-je à Dupin, quelle édition utilisez-vous?

 - Le Dictionnaire d’Architecture de 1755… il était dans ma bibliothèque.

Le jardinier pouffa de rire, offrant au ciel les trois dents demeurées dans son râtelier.

 - Ce serait pas le livre de chevet de Louis le Quinzième que vous tenez-là ? Bien entendu que, sous le ‘’Bien-Aimé’’, les Sphinx étaient encore en place! Mais maintenant… à la casserole… fondus… disparus à jamais… comme mes deux frères qui ont suivi le P’tit Caporal… Mais si vous étiez allés plus long dans votre bouquin, vous sauriez qu’il y en a d’autres, des Sphinx!  Il y en a plein sur des potiches à l’intérieur et il y en a deux gros là-bas, dans le Grand Parterre!!

Une salve de coups de feu se fit entendre.

 - Des exercices d’infanterie au bout des terres du Château… rien à craindre ici! Je jardine sous la mitraille… dit le jardinier en se remettant au travail.

Je glissai une pièce dans la main du bonhomme puis nous allongèrent le pas pour nous rendre au Parterre.

 - Une erreur comme je ne devrais pas en faire! dit Dupin.  J’ai lu que Napoléon caressait ces deux statues en souvenir de son périple en Égypte à toutes les fois qu’il empruntait l’escalier. Alors je ne suis pas allé plus loin dans mes recherches! N’étant jamais venu à Fontainebleau, je me suis fié à ce bouquin… désuet, je le reconnais… mais j’aurais dû aller plus loin dans ma lecture. Les Bonapartistes étaient les premiers en liste…

Nous aperçûmes les Sphinx sur leurs socles, posés sur le gazon. Dupin feuilleta son dictionnaire.

 - Créés pour Louis XIV par Mathieu Lespagnandel, de la religion prétendue réformée. En fait il semble que l’homme ait changé de religion comme on change de chemise! Examinons ces statues… un interstice, une cachette, un mot gravé, n’importe quoi!

Le premier ne nous révéla rien : pas de cachette, pas de tiroir secret, pas de message gravé. Un Sphinx aux attributs féminins plus qu’appétissants.

 - La religion prétendue réformée n’empêchait pas une touche de luxure, n’est-ce pas? demandai-je à Dupin en tentant de toutes les manières de trouver un bouton qui déclencherait l’ouverture du secret des attributs.

 - Même les réformés doivent se reproduire! lança Dupin. Passons à l’autre statue…

Un groupe de carabiniers défila devant nous et l’officier nous jeta un regard soupçonneux. Ses hommes, par contre, arboraient tous un large sourire.

L’autre sculpture était tout à fait identique à la précédente. Aucun déclic ne se fit entendre, aucun document dans un interstice, pas de message codé. Il ne nous restait plus qu’à vérifier les vases à l’intérieur du Château… à moins, bien entendu que cette idée d’un Sphinx n’ait été qu’une illusion. Ou qu’un leurre.

Je m’appuyai sur la statue pendant que Dupin vérifiait le socle. J’allais ouvrir la bouche pour lui dire que nous devrions nous dépêcher lorsqu’un coup de feu se fit entendre.

Un morceau de la patte du Sphinx vola en éclats, là, à quelques centimètres de ma main droite.

Je me jetai à terre aux cotés de mon ami.

 - Un modèle 1822, le fusil d’infanterie! Vous êtes blessé? Il y a un filet de sang sur votre visage…

 - Un éclat de pierre sans doute. Non, je n’ai rien…

 - Alors je vous propose que nous prenions nos jambes à nos cous pour nous réfugier derrière l’autre statue puis nous attendrons que la patrouille de carabiniers revienne pour nous servir d’eux comme écran. Allez! Allez! C’est un fusil à cartouche papier, plus rapide à recharger, mais néanmoins un fusil à un coup!!

 

Deux heures plus tard, nous étions attablés à un café en train de déguster un en-cas.

 - Nous avons fait chou blanc, mon cher! dis-je en déposant mon verre de Jurançon.

 - Mais pas du tout, pas du tout! Nous savons maintenant que nous avons été démasqués ou du moins, soupçonnés. Ce tir ne fut qu’une mise en garde : nous étions des cibles ridiculement faciles, vous ne croyez pas? En fait…

 - En fait, Champollion s’est empressé d’aller rejoindre ses amis politiques pour leur annoncer que des étrangers se faisaient passer pour des fidèles de l’Empereur ! Nous pouvons donc écarter définitivement les Bonapartistes… reste les Républicains!

 - Je vois qu’à mon contact vos facultés de déduction se sont affinées. Mes félicitations! Je dois mettre la main au plus vite sur un ouvrage plus récent concernant Fontainebleau. Garçon!!!

Le serveur s’avança vers notre table. Dupin lui demanda où se trouvait la librairie la plus proche, une librairie possédant un guide récent de la ville et de ses environs.

 - La table tout au fond, messieurs : l’homme assis en train d’écrire dans son carnet.

 - C’est une librairie ambulante? demandai-je.

 - Depuis quelques années, ce type circule partout dans la région. Il note et note… l’instituteur m’a dit qu’il allait écrire un guide. Il m’a aussi dit que c’est un cinglé qui marque à la peinture bleue les arbres , les rochers, les vieux monuments… il fait attention à ne pas se faire voir mais difficile de ne pas faire le lien entre sa redingote tachée et les marques bleues dans la forêt! Si vous allez lui parler, évitez la politique… c’est un enragé…

Nous terminâmes notre en-cas rapidement puis nous sommes allés nous présenter.

 - Chevalier Auguste Dupin, monsieur! Je m’excuse d’interrompre ainsi votre dîner mais on m’a dit que vous connaissez bien la ville… nous ne possédons qu’un antique guide qui date du temps de Louis XV! Vous pourriez nous aider?

 - Chevalier! Chevalier! Vous êtes donc des nôtres… dit l’homme à pleine voix … puis, baissant soudain le ton… Claude-François Denecourt, jusqu’à tout récemment concierge de la caserne locale. Hélas, mon attachement à la République m’a coûté mon poste… mais je n’ai pas dit mon dernier mot! Claude-François Denecourt, mes amis, retenez bien ce nom!!

Dupin tira une chaise et s’assit. Je fis de même tout en faisant signe au garçon de nous apporter un litre de rouge.

 - Vous êtes bien bons, citoyens… hélas je n’ai pas de guide, pas encore! Pour tout vous dire, je suis à tracer, dans les forêts avoisinantes, des promenades qui arpenteront les sites d’exception. Il y a de tout – et de toutes les époques - dans les forêts de Fontainebleau! Pour le moment, je ne possède que quelques carnets et des cartes réalisées à la main. Mais tout va changer… vous verrez…

- J’ai lu que la Nature, tout autour, est des plus fantasques et offre des rochers présentant des formes allant de l’extravagant au grotesque! Mon ami aimerait bien voir quelques-unes de ces constructions improbables. Quant à moi, j’apprécie la nuit et ses songes, les vieux bâtiments en ruine, les vues qui stimulent la réflexion.

 - Je n’ai pas encore de guide mais, si vous acceptiez de verser une maigre obole à un artisan visionnaire, je pourrais vous confier l’une de mes cartes. Je suis ici à tous les soirs : revenez me la remettre demain à votre retour… la promenade que je vous propose est sans doute la plus déconcertante qui se puisse faire!

Dupin prit le carafon qui venait d’arriver sur notre table et remplit le verre de notre artisan.

 - Dites-moi, vous qui connaissez si bien la ville… nous avons succombé à l’égyptomanie du temps et on se demandait s’il n’y avait pas des œuvres d’art similaires dans les environs… nous avons vu les sphinx du Château mais il en existe d’autres? Des œuvres égyptiennes??

 - Uniquement au Château… dit Denecourt en avalant une gorgée… Tous les alentours pré-datent  cette manie de l’Égypte ramenée par vous savez qui ! Nous ne sommes pas à Paris…

Je ne pus retenir ma question.

 - Mais les Sphinx, dans la cour du Château, ils ont été sculptés bien avant la naissance de notre ancien…

 - N’en dites pas plus! N’en dites pas plus! Vous confondez, vous confondez… le Sphinx, les Sphinx du Château, ils ne sont pas Égyptiens mais bien Grecs!! Oui, Grecs… Œdipe, le Sphinx, la fameuse question… il s’agit de la Sphinge… n’avez-vous pas, comme un peu tout le monde, caressé ses seins? La Sphinge grecque est une femme, c’est la Sphinge des énigmes! Le Sphinx égyptien est masculin, un mâle…

 - Fontainebleau n’abrite donc que la fille de Typhon? demanda Dupin

 - Le seul Sphinx mâle que je connaisse, c’est moi qui l’aie ainsi nommé! Le Sphinx des Druides qu’il se nomme et on le trouve dans la forêt. Vous le verrez demain si vous faites ma promenade!

 - Et d’autres personnes connaissent ce Sphinx?

 - Quelques-uns. Plusieurs. J’en ai parlé ici et là pour mousser mes futures promenades.

 - Et pour admirer ce Sphinx, que faire?

 

Il nous en couta l’équivalent de deux semaines de loyer pour que, finalement, Denecourt accepte de nous indiquer le chemin de sa Promenade. Le tout assorti d’une promesse solennelle de ne pas dévoiler, pour l’instant, les merveilles pointées de bleu par ses soins.

Il était tard : notre exploit, digne d’Œdipe, avait considérablement retardé notre enquête et nous dûmes remettre  notre escapade au lendemain. Il ne nous restait plus qu’à retourner à notre logement où je m’assoupis dès que ma tête toucha l’oreiller.

 

Les premiers rayons du soleil nous trouvèrent en train de boire un café tout en lisant le journal du jour précédent. Les dernières nouvelles de la Capitale faisaient mention de centaines d’arrestations : c’était à prévoir!

Portant un panier contenant du pain, des viandes froides et du vin, je suivis Dupin qui allait d’un bon pas vers ce que Denecourt avait nommé Franchard du nom d’un vieil ermitage se trouvant sur sa promenade.

Nous marchions sur la route lorsque nous vîmes un chien attelé à petit tombereau contenant des bidons de lait. L’animal regardait fixement la forêt et, nous approchant,  nous aperçûmes un homme qui houspillait un jeune garçon juché sur l’un de ces rochers pour le moins extravagants parsemant toute la région.

La scène aurait pu faire la fortune de Niepce! Une reproduction de la scène sur du bitume de Judée aurait fait le tour du monde… intitulée ‘Responsabilités’ et montrant le chien, les bidons , le père et le jeune garçon sur son bloc… Et si un jour on invente un appareil qui reproduit les couleurs, celles de ce matin-là… la mémoire est comme le bitume de Judée!

 - Mais que faites-vous là, si tôt le matin? demanda Dupin

 - C’est mon sacripant de fils… depuis un mois il tente à tous les matins de grimper ce bout de caillou. Quelques minutes, ça ne me dérange pas… mais ce matin il a enfin réussi à rejoindre le sommet et là, il ne peut plus redescendre! Et je dois livrer mon lait aux auberges …

 - C’est pas que je veux pas! C’est que je peux pas : c’est trop haut…

 - Attends, dit Dupin, nous allons t’aider!

Il se dirigea vers un tronc mort à quelque distance et me fit signe de le soulever avec lui, le tirer et l’utiliser comme une échelle rudimentaire. Hélas mon ami Dupin, excellent escrimeur, n’était pas de taille à se mesurer à un tronc. Le laitier vit le problème, poussa Dupin et ensemble nous plaçâmes le végétal sur le bloc. Une seconde plus tard, le garçon était à terre.

 - Merci beaucoup, messieurs; je peux enfin retourner à mes livraisons. Mais je sais bien que le chenapan a aperçu un autre gros bloc à dix minutes d’ici et demain matin, il voudra en tenter l’escalade. 

Mon ami le Chevalier marchait d’un bon pas sur la route mais lorsque nous dûmes nous enfoncer dans la forêt… enfin, Fontainebleau n’a rien à voir avec les forêts du Nouveau Monde… lorsque nous échangeâmes la surface unie de la route pour le sentier courant à travers les arbres, sa vitesse de progression diminua considérablement.

Je ne veux pas m’en plaindre car, suivant le tracé de Denecourt, il devint vite évident que le bonhomme avait trouvé un excellent filon. Non seulement le couvert végétal était extraordinaire mais les rochers possédaient des allures fantasques dignes des histoires que nos ancêtres racontaient au coin de l’âtre.

De plus, çà et là, on apercevait des vestiges de l’humanité qui nous avait précédés. Une fontaine, une maison forestière, des pierres entassées, l’ermitage, et toujours, toujours ces rochers baptisés par Denecourt : rocher de Neptune, la Roche qui pleure, le Philippe Auguste… tous marqués en bleu.

Dupin me montra même un rocher qui avait la forme d’un champignon!

La chose nous ouvrit l’appétit et on décida qu’il était temps de se restaurer. Surtout que Dupin avait commencé à boiter, conséquence de souliers mal adaptés à la marche en pleine nature. Il faut dire que ses chaussures de ville très fines et ses bas résilles ne faisaient pas le poids face à mes bottes de cavalier.

Deux verres de vin plus tard, nous reprîmes la route pour arriver à un rocher ressemblant à une poire. Là, Dupin retira ses souliers et tenta l’ascension par son versant le plus abrupt. Non que ce fût haut mais l’exemple du jeune garçon avait donné à mon ami quelques visions d’une pratique ludique. A moins, bien entendu, que les douleurs causées par ses escarpins aient décidé de ce geste courageux…

Il s’assit au sommet après quelques secondes d’effort.

 - Je devrais débuter la grimpe en étant assis : je ferais plus de mouvements!

 - Mon cher Dupin, dans ce cas, pourquoi ne pas choisir un rocher plus haut et garder la position verticale, celle qui est le propre de l’humain?

 - Vous avez raison, parfaitement raison!

Il continua ainsi son chemin, tentant ici et là une escalade rapide sur des blocs couverts de mousse. Il redécouvrait son âme d’enfant…

Nous arrivâmes enfin à un gros bloc qui ressemblait passablement bien à un Sphinx. Tout dépendait du point de vue où on le regardait mais Denecourt avait bien vu. Un Sphinx… et Dupin se hâta d’en faire le tour, regardant à sa base et dans ses entrailles.

 - Étrange, ce corps gisant au pied du sphinx, vous ne trouvez pas?

L’homme avait le crâne éclaté et son sang marquait la dalle rocheuse devant le monolithe. Il était vêtu d’une vareuse bleue et d’un pantalon trois-quarts de quelques tons plus foncés.

 - Cet homme est un marin, affirma Dupin. Regardez ses mains gercées et les cicatrices aux avant-bras : des brûlures de cordes. Les matelots se brûlent ainsi lors des manœuvres de cordes. Et puis le filin qui lui sert de ceinture : observez les complications du nœud! Un marin … voyons ce qu’il a dans ses poches…

Il se pencha pour fouiller l’inconnu.

 - Rien de rien… de la menue monnaie… un couteau… impossible de l’identifier! Il a dû chuter en tentant de grimper au sommet du sphinx. Cet homme, habitué aux espars, s’est fié à sa force or je me suis aperçu qu’ici, la force brute n’a que peu d’importance. Le rocher est particulièrement glissant et il faut vaincre en souplesse, aller plus vite que la chute! Qualifions son décès d’horrible malchance pour lui et de heureux hasard pour nous…

 - Mais qu’allait-il faire au sommet le sommet!

Dupin se dirigea vers l’arrière du Sphinx et tenta de se hisser. Ses deux premiers essais lui valurent de bonnes chutes sur son postérieur. Au troisième, il utilisa une fissure puis inversa sa main dans une autre anfractuosité un peu plus haute et réussit à se hisser, par la force des bras, sur le dos de la bête.

 - Notre macchabée a choisi la mauvaise voie pour monter, c’est évident.  J’ai quelque chose! Il y a un trou à droite… et dedans, une pochette huilée comme en portent les matelots… Bon, je fais comment pour redescendre? Si je saute, je me casse une cheville!

 - Attendez, Dupin! Il y a une grosse branche, là… je la pousse vers le rocher et vous pourrez l’utiliser.

La branche, pour tout dire un chicot, supporta Dupin durant trois secondes puis se cassa en deux, envoyant le meilleur cerveau de la France au sol. Il se releva en se tenant les reins.

 - Ceux qui laissent des messages au sommet de ce monolithe doivent utiliser une échelle de corde! lança Dupin en agitant la pochette. Voyons ce que nous avons là…

Du petit sac il sortit une simple feuille de papier couverte de lettres vides de sens :

WSGZAIVTANOCVK…………..

 - Un code…C’était à prévoir!

 - Et on fait quoi avec le corps? dis-je

 - Nous allons le cacher dans les buissons. Ses maîtres, ne le voyant pas revenir, enverront un autre sbire. Ne trouvant personne, ils vont conclure à un agent double.

 - Et le sang?

 - Si je me fie aux nuages, il pleuvra cette nuit… toute trace sera disparue… par le temps qu’on trouve le corps , nous serons loin.

Il ne nous restait plus qu’à retourner à notre appartement où mon ami tenterait de déchiffrer le message. Ce retour, il l’accomplit en pieds de bas, avec la paire de bas de laine que je trainais toujours dans ma besace. Je pense que jamais plus je ne vis Dupin, suite à cette escapade, porter autre chose que des bottes.

Ce soir-là, après un souper léger, je m’assoupis dans mon fauteuil en lisant la dernière œuvre de Musset : ‘On ne badine pas avec l’Amour’ pendant que le Chevalier, assis devant trois dictionnaires et deux gros pots de café noir, s’essayait au décodage du manuscrit.

Lorsque je me suis réveillé, tenant toujours Musset, Dupin était à se masser les pieds, assis à son bureau, et le soleil brillait à travers la fenêtre.

 - Alors, ce code?

 - Ridiculement facile : un Vigenère simple utilisé quand on veut échanger nombre de messages avec des larrons peu habitués aux chiffres. Il suffisait de trouver la clé! Et cette clé se devait d’être assez simple pour que des individus s’en souviennent facilement.

 - Ehhhh?

 - Nous avons écarté les Bonapartistes et les Républicains : que reste-il? Quel groupe pouvait être intéressé à ce massacre de la rue Transnonain? ‘Cui bono’ ? Qui a commandité le tir par la fenêtre de l’immeuble? Il ne reste, hélas, qu’un seul parti…

 - Les Royalistes? Mais ils ont le pouvoir : nous vivons sous une monarchie!

 - Oui, les Monarchistes… en fait, les Légitimistes qui veulent le retour des Bourbons après cet intermède d’un Orléans. Séparés mais ne formant qu’un bloc et ce bloc prendra encore plus de pouvoir suite aux élections.

 - Les élections? Quelles élections?

 - Celles qui vont être déclenchées dans deux semaines après l’arrestation des principaux Républicains ! C’était ce qu’annonçait le message codé que je suppose destiné à quelques meneurs de la garnison de Fontainebleau. Les arrestations d’hier… elles vont se poursuivre jusqu’à ce que tous les Républicains soient aux cachots.

 - Mais la clé? demandais-je

 - Louis… Louis… tout simplement. Quoi de mieux que le nom d’une majorité de nos rois?

 - Une manigance du Pouvoir pour conserver le pouvoir et embastiller ses détracteurs! C’est du plus pur Machiavel. Ils ont organisé un attentat, les chefs ont houspillé la troupe, il y eut un massacre et, dans un simulacre de sécurité publique et de démocratie, on arrête l’opposition républicaine, on émascule la troupe largement bonapartiste en exilant les officiers et sous-officiers vers des garnisons de province puis on organise une élection … qui verra la victoire des Royalistes de tous bords.

 - Il ne nous reste plus, dit Dupin, qu’à annoncer au Préfet G. que nous avons trouvé le Sphinx mais que le message avait été ramassé avant notre arrivée. Pour notre sécurité et la sienne, il vaut mieux que personne ne connaisse l’avenir. Nous lui enverrons un message après le petit déjeuner puis nous profiterons des largesses de l’État durant le reste de la semaine. Il me tarde de voir les autres promenades de monsieur Denecourt.

Il prit le document et l’avança vers une bougie restée allumée. En quelques secondes, il ne restait plus que des cendres.

Vive le Roi!

 

 

 

 

 

 

 

Durant les jours suivants, je me suis questionné sur la pertinence d’un gouvernement prêt à tuer ses gens pour assurer son pouvoir. Mais que sont douze vies alors que des milliers avaient été perdues à Lyon? Et puis, marchant dans la forêt de Fontainebleau, mes soucis s’envolèrent et il ne resta que la stupéfaction devant les arcanes de la Nature et l’étourdissement devant les cabrioles de mon ami Dupin qui, de bloc en bloc, devenait plus osé sinon d’une témérité folle.

Cette pratique l’absorba si bien qu’il se décida, dès notre retour, à investir un petit montant dans l’affaire de Denecourt. Ce placement rapporta si bien qu’on voit, à ce jour, une vieille maisonnette, dans la forêt, dont le portail annonce ‘Dupin’!

Il ne manque à sa mémoire qu’un bloc à son nom…


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Circulez ! Rien à voir ....

1/27/2015

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Ne voyant pas une seule bonne raison d'attendre plus avant un bienfaiteur capricieux , je vous livre aujourd'hui les quatre cartes postales chiffrées expédiées en 1905 !
Rien à gagner , rien de rien ...
Vous travaillez pour la gloire , sans récompense aucune sinon le plaisir de lire des messages écrits il y a 110 ans .
Ces messages , pour tout dire , ne révèlent pas grand chose : une correspondance amoureuse de deux adolescents parsemée d'allusions que seul un vieillard de nos contrées peut encore saisir .

Je tiens à remercier la Diva , Sara , qui a consacré une soirée au déchiffrement de cette énigme ...

Il aurait été intéressant d'avoir en main toutes les cartes de ce mois de août 1905 , celles expédiées comme celles reçues . Hélas , elles sont sans doute perdues à jamais .

Amusez-vous bien !
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Courrier du Cœur Grimpeur # 3

1/26/2015

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Pietro ‘Perché’ Pendente #3

 

 

 

- Monsieur Pendente, je veux partager avec vos lecteurs faisant de l’escalade ma découverte de la semaine dernière ! Imaginez-vous que j’ai pris – totalement par erreur – trois de ces petite pilules bleues dont on raconte des merveilles . Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je me suis aperçu que je pouvais grimper à trois mains!!! J’effectue maintenant des blocages inédits qui font bien des jaloux et des envieuses … Marco Faccino

Ahhh Marco ! Vous avez mis le cazzo dans l’engrenage des substances dopantes , mon ami . Inutile de dire qu’une carrière de grimpeur olympique , c’est un rêve du passé pour toi . Reste grimpeur amateur mais renseigne toi quant aux opportunités dans le cinéma pour adultes . On me murmure que des entreprises de production recherchent des vedettes pouvant ‘tenir’ un rôle le plus longtemps possible avec beaucoup de fermeté .

 

- Pietro … mon dilemme est simple … je fais du bloc en salle avec ma famille . Ma cousine me demande toujours de la parer sur un problème – uniquement moi – et dès que son bassin dépasse la hauteur de mes mains , elle tombe ! Je souffre maintenant de tendinite aux deux poignets !! … Fredo Girino

Ta cousine , Fredo , souffre d’un blocage mental : la peur du vol! Elle craint la chute du haut du problème donc elle décide de se laisser tomber dans tes bras , signe évident de confiance . Il faut que tu profites de cette confiance pour l’amener à des sommets jamais atteints… le seul remède demeure la pratique de la chute à partir d’un rebord de lit  ce qui aura pour effet de la désensibiliser! N’oublie pas de te protéger … 

 

- Monsieur Pendente … ma copine et moi avons été expulsés d’un parc national américain l’année dernière parce qu’elle hurlait à tue-tête quand vous savez quoi … : les ‘rangers’ nous ont expliqué que ça nuisait à l’accouplement des alligators! Cette année , nous désirons aller grimper à Joshua Tree … que faire ? … Umberto Infilarsi

Excellent choix de destination , Umberto ! Ta copine pourra se laisser aller à ses penchants lyriques durant l’Acte parce que le parc de Joshua Tree est le Vatican du Bloc mais il ne contient aucun alligator . On n’y rencontre que des scorpions et des serpents à sonnettes et ces bestioles sont sourdes … l’Élue de ton cœur sera la seule voix dans ce désert .

 

- Je faisais du ‘buildering’ à Milan  – de l’escalade sur les façades de maisons – quand j’ai aperçu , par une fenêtre , le curé de notre paroisse en congrès avec la femme du boulanger . Je ne sais plus trop si je dois continuer à grimper en ville , comme ça … ça m’a fait tout un choc ! … Liguori Muschio

La Montagne demande bien des sacrifices , Liguori ! Tu ne dois pas cesser ton entrainement surtout qu’à partir de maintenant , suite à une visite à la boulangère , tu auras tout ton pain et tes pâtisseries gratuitement . Observe bien les allers et venues des livreurs travaillant dans ta paroisse et grimpe en conséquence : je te garantis que tu vas épargner beaucoup et ce , très rapidement .

 

 -  Mon copain me trompe , monsieur Pendente ! Depuis qu’on se fréquente , il ne grimpait que des bombés impressionnants … mais depuis un mois , il ne veut faire que de la fissure , juste de la fissure ! Est-ce que notre couple a un avenir ? … Angela Coppa

Ton copain , Angela , doit mettre de l’eau dans son vin . S’il est sérieux , naturellement … alors je suggère une thérapie d’un mois où , tous les deux , vous ne ferez que du canyoning ! A moitié noyé dans un goulot , coincé , toujours humide , il va apprécier à nouveau les bombés .  De même , tiens-le éloigné de la secrétaire à son travail … je la connais … 

 

- Mon fiancé ne veut pas d’enfant car il affirme que la paternité va nuire à ses performances en montagne . Dois-je le laisser?  … Gina Polpaccio

Il a raison , Gina ! Les enfants ne sont pas recommandés pour les alpinistes de pointe . En fait , la paternité est contre-indiquée pour tous les pratiquants de sports de montagne . Tu es encore jeune : regarde du côté des gens aimant les sports automobiles .  Non seulement ils ont du temps libre mais tu es assurée d’avoir une véhicule pour
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I'm going to like this place !

1/22/2015

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Carte postale américaine de 1933 ... jamais expédiée ... Curt Teich , l'éditeur américain , est l'un des seuls à avoir donné une numérotation par date et illustration . Le 3A-h447 en bas , à droite , vous voyez ?


On pourrait imaginer une petite histoire ...


- Ma chérie , tu sais que monsieur Wingate a été transporté à l'hôpital ?

- A l'hôpital ? tu me passes le poivre , Lucien ??? A l'hôpital , monsieur Wingate ? Je l'ai vu sur la plage il y a deux heures ... il prenait une leçon de surf avec le prince Latuvutounu . Quel physique , ce prince hawaïen !

- Une crise cardiaque, Ginette, une crise cardiaque . Il aurait vu un requin se diriger vers lui ... le prince s'occupait d'une cliente pendant l'incident ... dans la cabane où il range les planches ...  un cours sur la façon de cirer une planche de surf .

- Pas madame Philpot ? Elle courait dans l'allée centrale : elle semblait terriblement choquée ! Elle en a presque perdu le haut de son ensemble de bain ... entre nous , Lucien , elle en a même perdu un dans sa hâte .
 
- Un quoi ?

- Voyons Lucien ... un sein  ... je ne peux pas le crier dans la salle à manger ! Avec ces nouvelles créations deux pièces  , il y a un risque .

- L'émotion sans doute ... toi , tu n'en perds jamais ...

- Nous sommes mariés depuis quinze ans , Lucien ! Il y a longtemps que ça ne semble plus t'intéresser !! Cette pauvre madame Philpot a dû renverser sur elle le pot de cire parce qu'elle semblait couverte d'huile . Je crois qu'on cire le dessus et qu'on huile le dessous ... pour aller plus vite !

- Tu veux dire qu'elle s'est renversée l'huile sur le corps , sans doute en entendant les badauds appeler Latuvutounu . Jamais il n'aurait dû s'occuper de deux élèves à la fois ... le pauvre homme - je veux dire Wingate - a réussi à atteindre le rivage et a rampé à l'ombre d'un tas de cocotiers . Il était couché sur sa planche quand deux marcheurs l'ont découvert . Et sans doute sur le dessous de sa planche parce que lui aussi , il était couvert d'huile !

- Pauvre homme ... un requin ... pour les habitants de l'île , un requin , ce n'est rien mais pour nous , touristes ... il a dit quelque chose ?

- Qui ? Latuvutounu ? Le requin ?

- Grand fou ... Lucien ... non , je veux dire Wingate ! Il a dit quelque chose avent d'être transporté à l'hôpital ?

- On m'a rapporté que le pauvre délirait ... il répétait encore et encore un nom indigène ... une princesse sans doute car il était ferré sur l'histoire locale .

- Une princesse ?

- Oui Ginette ... tu manges ton dessert ? Parce que moi , j'ai faim ... Le nom de la princesse ... quelque chose comme Kalaunboku ... oui , c'est ça : Kalaunboku  ! Il répétait son nom ad nauseam ...

- Pauvre homme ! Tiens , prends mon dessert : on mange trop ici et on ne fait pas assez d'exercice . Je vais monter à la chambre et prendre un bain ... j'ai du sable partout dans mon maillot et l'huile à bronzage ne fait qu'empirer les choses .

- Ah ... tu t'es enfin décider à acheter de l'huile à bronzage ... tu peux me laisser la bouteille ? Il ne faudrait pas que j'attrape un coup de soleil sur le crâne !

- Mon pauvre chou ! Tu vas devoir porter ton chapeau parce que j'ai échappé la bouteille dans l'océan ! Quelle maladresse ... Dis , quand tu vas monter , ça te dérangerait de ramener mon flotteur en forme de requin ? Jamais je n'aurais dû me laisser tenter par ce jouet gonflable !

- Ce que je ne ferais pas pour toi ... je vais être sur la terrasse ... je veux terminer mon livre sur les papillons de l'île .

- Lucien , tu feras attention à ne pas abimer ta chemise hawaïenne toute neuve : le requin , il doit être couvert d'huile à bronzage . Impossible de tenir dessus , j'ai essayé !

- D'accord , d'accord ....

- Mais c'est le prince Latuvutounu qui sort du bureau de la direction ... je crois que je vais aller réserver une ou deux heures de son temps , demain , pour qu'il me montre les rudiments du surf , la planche , la cire , la glisse .... ca ne te dérange pas , Lucien ?

- Va-y , va-y ! C'est compris dans le forfait ... on est ici pour s'amuser !
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Dangereuses rénovations ...

1/20/2015

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Carte postale estampillée le 2 novembre 1907 !
De Bay Center à Seattle , Washington State .
Adressé à Mrs Rene Richardson ... son correspondant lui demande si elle est ''Miss'' ou ''Mrs''  ... '' Who is which and which is who? ''

Curiosité typiquement masculine , non ?

Un surfer brésilien , un des meilleurs sur le circuit mondial , Ricardo Dos Santos , a été abattu près de chez lui par un policier militaire du Brésil ayant un feuille de route faite d'abus et de brutalité .
Le militaire était en permission !

Le plus incroyable , c'est qu'une version de l'histoire veut que Dos Santos ait été en train de rénover sa maison et qu'un véhicule se soit stationné sur un tuyau dans son entrée . Il serait allé leur dire de déplacer le véhicule lorsque l'un des occupants se soit décidé à tirer trois coups de feu dans sa direction .

Pathétique ... Et certains se demandent pourquoi je ne fais jamais de rénovations chez moi !!!
La stupidité humaine n'a pas de limite ...

Dommage pour Dos Santos qui tubait comme un dieu . Et pour le Brésil qui perd un athlète de pointe .
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Comment aimerais-tu ...

1/17/2015

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Carte postale sans date . Le dessinateur est Walt Munson donc probablement fin des années 1940 , début des années 1950 .
A l'arrière :
'' Ma chère Blanche ... Comment aimerais-tu une de ces paire de fesses ? ''
( signé ) Roméo
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Adressée à mademoiselle Madeleine Paquet de Québec :

- Que c'est le fun ma fille . A l'exposition j'ai connu un beau gars ; j'ai passé une journée avec . C'était un ''quequn'' pas un ''Gaston'' . So long .  ( signé ) Georgette

Un ''quequn'' voulant dire un homme avec des manières , de la culture et de l'argent . Le Gaston en question est sans doute l'ex ami de cœur de Georgette  ce qui expliquerait le choix de la carte : son dessin est parlant !
La carte date de la fin des années '40 .

For those who surf , note that both postcards have a very distinct air of summer and beach .

En espérant que le tout vous ait fait sourire !
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Attends une Occasion .

1/15/2015

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Carte expédiée le 13 janvier 1907 à une Mademoiselle d'Auteuil ...

Rien à voir avec le ski , le surf ou l'escalade . Rien du tout ! Mais la preuve par l'exemple que les mœurs n'ont jamais changé : la libido mène le monde ...
Le chien suit de près la petite chienne .
Le gentleman suit de près la jolie dame , attiré par son popotin .

'' Attends une occasion '' !!
C'est tout à fait charmant ... l'adresse n'existe plus car la rue Sanguinet fut rénovée de fond en comble pour laisser place à d'intéressants blocs en bétons et en briques d'un goût plus que douteux .
Je ne doute pas que les amoureux aient bien profité de la nouvelle chambre !

Parlant de cette demoiselle d'Auteuil ... j'ai une primeur entre les mains ... en fait quelque chose de totalement différent qui est digne du tout nouveau film mettant en vedette Benedict Cumberbach dans le rôle de Turing , la mathématicien .

Mademoiselle d'Auteuil a reçu , en 1905 , une série de cartes postales codées !!!!!!

Oui : des cartes postales codées ! Je n'ai trouvé qu'un seul exemple d'une carte postale codée sur internet .
Moi , je possède maintenant 4 cartes adressées à la dame par son amant .

Oui mes ami(e)s !
Du jamais vu : les jeunes gens s'expédiaient sans doute des cartes chiffrées pour déjouer la famille et les amis . Vous avez ici , plus haut , le résultat : une assignation ! Bon ... ils se sont rencontrés bien auparavant sans doute .

Je n'ai pas tenté de les décoder ... une des cartes montre un code - le chiffre - mais mon fils croit que les cartes sont doublement codées .

Il y a , dans le beau monde de l'escalade et de la montagne , pas mal de mathématiciens et de physiciens . Beaucoup d'ingénieurs . Une flotte entière de professeurs . Un ou deux philosophes .
Tous ces gens ont beaucoup , mais beaucoup , de temps libre !!!

Voilà ce que je vous propose :
Je vais scanner les cartes par ordre de date d'envoi . Je vais les publier ici sur mon blog .
Vous devrez déchiffrer toutes les cartes le plus rapidement possible : comme pour Turing avec Enigma , c'est une course contre la montre . Elles ne contiennent sans doute que du babillage amoureux ... datant de 1905 ... mais l'exercice est intéressant , non ?

Je vais tenter de trouver un prix pour le gagnant ...

A demain !
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La Bombe Athéiste !

1/12/2015

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Promis !
C'est la dernière fois que je commente le drame de la semaine passée .

Je vous ai cité le Dictionnaire Philosophique de Voltaire . J'ai donné mon opinion sur la cause première des évènements .
Naturellement , j'aurais pu mentionner le fait que près de 2000 Nigérians ont été tués la semaine dernière par Boko Haram . Qu'une petite fille de 10 ou 12 ans s'est fait explosée dans une marché du même pays il y a deux jours . Puis deux femmes hier . Boko Haram, ce n'est tout simplement pas de la religion !
Pas plus que l'horreur des femmes Yazidis jetées en esclavage parce qu'elles étaient des mécréantes , esclaves suite au massacre de leur famille par l'État Islamique .
Rien à voir les bombes quotidiennes qui déchiquètent Sunnites et Chiites pour une question d'interprétation ... religieuse ?
Je pourrais vous parler de tous ces élèves dans des écoles françaises qui ont refusé la minute de silence allant même jusqu'à approuver le massacre , les massacres . Certains disant même que , bof , des juifs ...
Que dire de voir Abbas se promener dimanche sous une pancarte '' Je suis Charlie '' alors que son peuple a applaudi chaudement lors de l'annonce des attentats !

Donc , pour terminer , je vais lancer l'arme de destruction massive , celle que Jules Ferry - le fondateur de l'identité républicaine et celui qui a donné à la France la laïcité à l'école ( gratuite ) - aurait utilisé s'il était avec nous maintenant .
Le texte qui devrait être sur toutes les bureaux d'élèves lundi prochain pour fin d'étude .

La BOMBE ATHÉISTE !

'' Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives '' ...

Un livre écrit à la main en trois exemplaires et laissé comme testament à ses ouailles par le curé Meslier . Naturellement la publication d'un tel ouvrage , de son vivant ( 1664-1729 ) , lui aurait valu les feux de l'Enfer mais aussi ceux du bucher ...

Trois exemplaires vite recopiés par les Lumières puis mis au goût du jour par Voltaire et D'Holbach .

Dans ce brulot ( ! ) Meslier entreprend de déconstruire , de façon raisonnable ( ha ! la Raison ) , l'édifice  de toutes religions .
Il amène des preuves , dans ses huit chapitres , qui mettent un terme final à la volonté de croire ... sinon en étant un crédule de première magnitude ! A la merci de manipulateurs sans foi ni loi .

« Pesez bien les raisons qu’il y a de croire ou de ne pas croire, ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige si absolument de croire. Je m’assure que si vous suivez bien les lumières naturelles de votre esprit, vous verrez au moins aussi bien, et aussi certainement que moi, que toutes les religions du monde ne sont que des inventions humaines, et que tout ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige de croire, comme surnaturel et divin, n’est dans le fond qu’erreur, que mensonge, qu’illusion et imposture. »

Et voici le plan de ce bon curé :
  1. Elles ne sont que des inventions humaines.
  2. La foi, croyance aveugle, est un principe d’erreurs, d’illusions et d’impostures.
  3. Fausseté des « prétendues visions et révélations divines ».
  4. « Vanité et fausseté des prétendues prophéties de l’Ancien Testament ».
  5. Erreurs de la doctrine et de la morale de la religion chrétienne.
  6. La religion chrétienne autorise les abus et la tyrannie des grands.
  7. Fausseté de la « prétendue existence des dieux ».
  8. Fausseté de l’idée de la spiritualité et de l’immortalité de l'âme

« … qui forgent comme ils veulent, ou qui ont forgé comme ils ont voulu, tous ces beaux prétendus sens spirituels, allégoriques et mystiques dont ils entretiennent et repaissent vainement l’ignorance des pauvres peuples. Ce n’est plus la parole de Dieu qu’ils nous proposent et qu’ils nous débitent sous ce sens-là ; mais ce sont seulement leurs propres pensées, leurs propres fantaisies, et les idées creuses de leurs fausses imaginations ; et ainsi, elles ne méritent pas qu’on y ait aucun égard, ni que l’on y fasse aucune attention. »

Ce livre devrait être , lundi matin , placé sur tous les bureaux d'élèves en France et sujet à étude sous la supervision d'une équipe de professeurs chevronnés . Jules Ferry , le fondateur de l'éducation républicaine , n'aurait pas fait moins ! Il faut d'urgence revenir aux '' Hussards Noirs de la République '' pour qu'ils donnent le coup de fouet qui nous sauvera de l'abime !

Remarquez , je n'ai rien contre la religion ... dans un cadre personnel , pourquoi pas ? Mais lorsque la religion devient un danger pour la république parce que certains l'utilisent à des fins de terreur ... il n'y a que l'instruction pour nous sauver . Les gendarmes et le renseignement vont veiller au présent mais pour le futur ... c'est l'instruction .

Et contre les débordements des religions , l'arme suprême , c'est le ''Testament ''de Meslier !

Décortiquer en classe ses preuves , amener la réflexion , faire naitre le doute raisonnable . Puis replacer le fait religieux dans le contexte d'un état de droit ... 

Pour Meslier :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Meslier

http://www.jeanmeslier.fr/jeanmeslierfr/accueil

Deux autres citations :

« La religion est une vraie pépinière de fanatiques : c’est véritablement le théâtre où ils jouent le mieux leurs personnages. »

« …la maxime des princes souverains, et de leurs premiers ministres est d’épuiser les peuples, et de les rendre gueux et misérables afin de les rendre plus soumis, et  de les mettre hors d’état de pouvoir entreprendre aucune chose contre leur autorité. »


Je crains beaucoup l'action de la classe politique dans les prochaines semaines , les récupérations , les petits arrangements ...
Je ne crois qu'en la philosophie , la Raison , et certainement pas en la politique .
Mais il faut rester optimiste !

Pour ce que j'en pense , moi ! Je suis le mécréant de toutes les religions . Je suis le cynique de toutes les politiques .
Je vous laisse donc avec Meslier ( dont je ne partage ni le communisme , ni l'anarchisme avant la lettre ) !


P.S.
Quant à ceux de mes lecteurs qui douteraient du changement rapide de l'Islam vers l'intégrisme , je suggère de ''googler'' ces deux mots : hippies Kaboul . Pas certain que vous pourriez voir des hippies , maintenant , dans les régions concernées .
http://en.wikipedia.org/wiki/Hippie_trail


















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LIFE 101 ...

1/10/2015

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Après Voltaire , que reste-t-il à dire ?
Je ne voulais pas m'exprimer tant que la crise n'était pas terminé .
Là , je vais vous dire quelques mots ...

Une pomme , une belle pomme ... mais le gars qui possède le verger l'entretient mal .
Dans cette belle pomme , il y a maintenant un ver .
Que faire ?
Attendre que le ver sorte ? Il ne restera bientôt plus de pomme ...
Couper la pomme pour trouver le ver ? On détruit la pomme ...
Jeter la pomme ? C'est la plus belle pomme du monde et ce , malgré la négligence du pomiculteur ...

Seule solution ; injecter la pomme avec du cyanure !
Le ver va mourir et la pomme va demeurer belle pour très longtemps !!
Et jamais plus un ver ne viendra s'y frotter , à cette pomme ...

Le cyanure , dans le cas qui nous occupe , c'est l'éducation .
Une éducation laïque sans compromis .
Une éducation laïque qui se prolonge par des institutions laïques et un refus de plier devant les groupes de pression .

C'est assez clair , non ?

Maintenant ... je lis encore et encore cet appel à ne pas faire '' d'amalgame ''!

Mais qu'est-ce que c'est que cette idée ? 
Le problème actuel ne vient pas des Calinours .
Il ne vient pas des Taoïstes , des Hindouistes , des Bouddhistes !
Il vient de l'ISLAM !

Il vient de la vision d'un Islam militant et rétrograde qui est né à la suite de la Première Grande Guerre .
Des millions de personnes , des musulmans , ont applaudi , partout sur Terre et même dans des pays '' amis '' , les actes de terrorisme de ces derniers jours . Des millions de musulmans se sont réjouis de cette curée ...

Ouvrez vos livres d'histoire . Consultez Internet . Apprenez ce qu'était l'Islam il y a des siècles . Il y a un siècle ...
Oui , il y a eu dérive , une dérive vers l'extrémisme , une dérive radicale qui est supportée par des gouvernements que vous connaissez .

Si je vous mentionne les Croisades ... vous allez immédiatement penser à l'Église catholique . Est-ce un amalgame ?
Si je vous mentionne l'Inquisition , vous allez immédiatement penser à l'Église catholique . Est-ce un amalgame ?
Si je vous mentionne la St Barthélémy , les Conquistadors , la Chasse aux Sorcières ... vous allez immédiatement penser à l'Église catholique . Est-ce que ce sont des amalgames ?

Une grande majorité de Catholiques étaient d'accord pour convertir les athées et bruler les hérétiques . Personne n'a élevé la voix ou si peu ...

Toutes les religions monothéistes sont dans le même bain : si vous ne croyez pas comme nous , vous ne méritez que la mort .

Il nous a fallu la Raison des Lumières pour nous sortir de ce bourbier ... et encore ... on s'est exterminé pour bien d'autres choses .

Les Lumières n'ont jamais atteint l'Islam .
Et l'Islam , une foi qui n'a ni plus ni moins que les Juifs et les Chrétiens  , a été kidnappé
par une théologie radicale qui ne fait pas dans le détail .

Je fais le lien direct entre ceci et cela : est-ce pour vous un amalgame ?

De nombreux musulmans veulent vivre leur vie en paix . Leur foi en paix . Mais s'ils vivent dans nos pays , ils doivent accepter notre vision de la laïcité . Nous avons relégué le catholicisme à ses églises pour ne plus avoir à vivre sous ses diktats . Alors pourquoi accepter un nouveau tyran ???

Que ceux qui ont la foi aille dans leurs lieux de culte mais qu'ils acceptent notre style de vie et de penser . Qu'ils acceptent que de venir dans nos pays veut dire laisser vivre les autres à leurs manières .

Il me reste encore à voir un accommodement '' raisonnable '' demandé par un bouddhiste ...

Le problème , c'est que l'Islam devient '' Moyenâgeux '' . Alors que , lors de notre Moyen Age , l'Islam était un lieu où il y avait encore de la Lumière !   

Ne me parlez pas d'amalgame !
Que je n'entende pas un politicien parler d'amalgame . Ni un philosophe .
La vérité , c'est que l'Islam est sur une mauvaise pente ... voir les centaines de millions de personnes qui se sont réjouis des attentats ...  seuls les musulmans peuvent stopper la chute !

Nous , nous nous devons à nos enfants . A ceux qui viendront après nous .
Ceux qui sont contre la violence et le terrorisme vont se lever , indépendamment de leurs convictions religieuses .
Les mous , les pleutres , les gens acquis à la radicalisation vont se taire , se cacher , continuer leurs trafics , leurs manigances , leur vie dans un état dans l'État .

On me dira que le chômage , la discrimination ...
Quelle bêtise !
L'intégration passe par la volonté de rejoindre les autres puis par l'instruction qui permet de s'offrir un avenir plus rose .

Voilà !
C'était ma vision philosophique de la situation des derniers jours .

Ah oui ! dernière chose ...
Si vous étiez si '' Je suis Charlie '' , vous , tous les médias confondus ... pourquoi vous n'avez jamais , auparavant , publié les caricatures du Prophète ? Pourquoi le silence sinon la condescendance envers ces dessinateurs qui '' offusquaient '' l'ordre établi ?
Encore aujourd'hui , les médias américains et canadiens-anglais plient devant les terroristes ...
Chez nous , on crie '' Chickens ! '' aux petits peureux ...

Et voilà autre chose qui pourra vous montrer la Lumière :

http://quebec.huffingtonpost.ca/abdennour-bidar/lettre-au-monde-musulman_b_5991640.html

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Dictionnaire Philosophique , Voltaire

1/7/2015

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Voltaire , anyone ?? Dictionnaire philosophique ...




LIBERTÉ DE PENSER[33].
Vers l’an 1707, temps où les Anglais gagnèrent la bataille de Saragosse, protégèrent le Portugal, et donnèrent pour quelque temps un roi à l’Espagne, milord Boldmind, officier général, qui avait été blessé, était aux eaux de Barége. Il y rencontra le comte Médroso, qui, était tombé de cheval derrière le bagage, à une lieue et demie du champ de bataille, venait prendre les eaux aussi. Il était familier de l’Inquisition ; milord Boldmind n’était familier que dans la conversation : un jour, après boire, il eut avec Médroso cet entretien.

Boldmind.Vous êtes donc sergent des dominicains ? Vous faites là un vilain métier.

Médroso.Il est vrai ; mais j’ai mieux aimé être leur valet que leur victime, et j’ai préféré le malheur de brûler mon prochain à celui d’être cuit moi-même.

Boldmind.Quelle horrible alternative ! Vous étiez cent fois plus heureux sous le joug des Maures, qui vous laissaient croupir librement dans toutes vos superstitions, et qui, tout vainqueurs qu’ils étaient, ne s’arrogeaient pas le droit inouï de tenir les âmes dans les fers.

Médroso.Que voulez-vous ! il ne nous est permis ni d’écrire, ni de parler, ni même de penser. Si nous parlons, il est aisé d’interpréter nos paroles, encore plus nos écrits. Enfin, comme on ne peut nous condamner dans un auto-dafé pour nos pensées secrètes, on nous menace d’être brûlés éternellement par l’ordre de Dieu même, si nous ne pensons pas comme les jacobins. Ils ont persuadé au gouvernement que si nous avions le sens commun, tout l’État serait en combustion, et que la nation deviendrait la plus malheureuse de la terre.

Boldmind.Trouvez-vous que nous soyons si malheureux, nous autres Anglais, qui couvrons les mers de vaisseaux, et qui venons gagner pour vous des batailles au bout de l’Europe ? Voyez-vous que les Hollandais, qui vous ont ravi presque toutes vos découvertes dans l’Inde, et qui aujourd’hui sont au rang de vos protecteurs, soient maudits de Dieu pour avoir donné une entière liberté à la presse, et pour faire le commerce des pensées des hommes ? L’empire romain en a-t-il été moins puissant parce que Tullius Cicero a écrit avec liberté ?

Médroso.Quel est ce Tullius Cicero ? Jamais je n’ai entendu prononcer ce nom-là à la sainte Hermandad.

Boldmind.C’était un bachelier de l’université de Rome, qui écrivait ce qu’il pensait, ainsi que Julius César, Marcus Aurelius, Titus Lucretius Carus, Plinius, Seneca, et autres docteurs.

Médroso.Je ne les connais point ; mais on m’a dit que la religion catholique, basque et romaine, est perdue si on se met à penser.

Boldmind.Ce n’est pas à vous à le croire, car vous êtes sûr que votre religion est divine, et que les portes d’enfer ne peuvent prévaloir contre elle[34]. Si cela est, rien ne pourra jamais la détruire.

Médroso.Non, mais on peut la réduire à peu de chose ; et c’est pour avoir pensé que la Suède, le Danemark, toute votre île, la moitié de l’Allemagne, gémissent dans le malheur épouvantable de n’être plus sujets du pape. On dit même que si les hommes continuent à suivre leurs fausses lumières, ils s’en tiendront bientôt à l’adoration simple de Dieu et à la vertu. Si les portes de l’enfer prévalent jamais jusque-là, que deviendra le saint-office ?

Boldmind.Si les premiers chrétiens n’avaient pas eu la liberté de penser, n’est-il pas vrai qu’il n’y eût point eu de christianisme ?

Médroso.Que voulez-vous dire ? je ne vous entends point. Boldmind.Je le crois bien. Je veux dire que si Tibère et les premiers empereurs avaient eu des jacobins qui eussent empêché les premiers chrétiens d’avoir des plumes et de l’encre ; s’il n’avait pas été longtemps permis dans l’empire romain de penser librement, il eût été impossible que les chrétiens établissent leurs dogmes. Si donc le christianisme ne s’est formé que par la liberté de penser, par quelle contradiction, par quelle injustice voudrait-il anéantir aujourd’hui cette liberté sur laquelle seule il est fondé ?

Quand on vous propose quelque affaire d’intérêt, n’examinez-vous pas longtemps avant de conclure ? Quel plus grand intérêt y a-t-il au monde que celui de notre bonheur ou de notre malheur éternel ? Il y a cent religions sur la terre, qui toutes vous damnent si vous croyez à vos dogmes, qu’elles appellent absurdes et impies ; examinez donc ces dogmes.

Médroso.Comment puis-je les examiner ? je ne suis pas jacobin.

Boldmind.Vous êtes homme, et cela suffit.

Médroso.Hélas ! vous êtes bien plus homme que moi.

Boldmind.Il ne tient qu’à vous d’apprendre à penser ; vous êtes né avec de l’esprit ; vous êtes un oiseau dans la cage de l’Inquisition ; le saint-office vous a rogné les ailes, mais elles peuvent revenir. Celui qui ne sait pas la géométrie peut l’apprendre ; tout homme peut s’instruire : il est honteux de mettre son âme entre les mains de ceux à qui vous ne confieriez pas votre argent ; osez penser par vous-même.

Médroso.On dit que si tout le monde pensait par soi-même, ce serait une étrange confusion.

Boldmind.C’est tout le contraire. Quand on assiste à un spectacle, chacun en dit librement son avis, et la paix n’est point troublée ; mais si quelque protecteur insolent d’un mauvais poëte voulait forcer tous les gens de goût à trouver bon ce qui leur paraît mauvais, alors les sifflets se feraient entendre, et les deux partis pourraient se jeter des pommes à la tête, comme il arriva une fois à Londres. Ce sont ces tyrans des esprits qui ont causé une partie des malheurs du monde. Nous ne sommes heureux en Angleterre que depuis que chacun jouit librement du droit de dire son avis. Médroso.Nous sommes aussi fort tranquilles à Lisbonne, où personne ne peut dire le sien.

Boldmind.Vous êtes tranquilles, mais tous n’êtes pas heureux ; c’est la tranquillité des galériens, qui rament en cadence et en silence.

Médroso.Vous croyez donc que mon âme est aux galères ?

Boldmind.Oui ; et je voudrais la délivrer.

Médroso.Mais si je me trouve bien aux galères ?

Boldmind.En ce cas vous méritez d’y être.





LIBERTÉ D’IMPRIMER[35].
Mais quel mal peut faire à la Russie la prédiction de Jean-Jacques[36] ? Aucun ; il lui sera permis de l’expliquer dans un sens mystique, typique, allégorique, selon l’usage. Les nations qui détruiront les Russes, ce seront les belles-lettres, les mathématiques, l’esprit de société, la politesse, qui dégradent l’homme et pervertissent sa nature.

On a imprimé cinq à six mille brochures en Hollande contre Louis XIV ; aucune n’a contribué à lui faire perdre les batailles de Blenheim, de Turin, et de Ramillies.

En général, il est de droit naturel de se servir de sa plume comme de sa langue, à ses périls, risques et fortune. Je connais beaucoup de livres qui ont ennuyé, je n’en connais point qui aient fait de mal réel. Des théologiens, ou de prétendus politiques, crient: « La religion est détruite, le gouvernement est perdu, si vous imprimez certaines vérités ou certains paradoxes. Ne vous avisez jamais de penser qu’après en avoir demandé la licence à un moine ou à un commis. Il est contre le bon ordre qu’un homme pense par soi-même. Homère, Platon, Cicéron, Virgile, Pline, Horace, n’ont jamais rien publié qu’avec l’approbation des docteurs de Sorbonne et de la sainte Inquisition.

« Voyez dans quelle décadence horrible la liberté de la presse a fait tomber l’Angleterre et la Hollande. Il est vrai qu’elles embrassent le commerce du monde entier, et que l’Angleterre est victorieuse sur mer et sur terre ; mais ce n’est qu’une fausse grandeur, une fausse opulence : elles marchent à grands pas à leur ruine. Un peuple éclairé ne peut subsister. »

On ne peut raisonner plus juste, mes amis ; mais voyons, s’il vous plaît, quel État a été perdu par un livre. Le plus dangereux, le plus pernicieux de tous est celui de Spinosa. Non-seulement en qualité de juif il attaque le Nouveau Testament, mais en qualité de savant il ruine l’Ancien ; son système d’athéisme est mieux lié, mieux raisonné mille fois que ceux de Straton et d’Épicure. On a besoin de la plus profonde sagacité pour répondre aux arguments par lesquels il tâche de prouver qu’une substance n’en peut former une autre.

Je déteste comme vous son livre, que j’entends peut-être mieux que vous, et auquel vous avez très-mal répondu ; mais avez-vous vu que ce livre ait changé la face du monde ? Y a-t-il quelque prédicant qui ait perdu un florin de sa pension par le débit des œuvres de Spinosa ? Y a-t-il un évêque dont les rentes aient diminué ? Au contraire, leur revenu a doublé depuis ce temps-là ; tout le mal s’est réduit à un petit nombre de lecteurs paisibles, qui ont examiné les arguments de Spinosa dans leur cabinet, et qui ont écrit pour ou contre des ouvrages très-peu connus.

Vous-mêmes vous êtes assez peu conséquents pour avoir fait imprimer, ad usum Delphini, l’athéisme de Lucrèce (comme on vous l’a déjà reproché[37]), et nul trouble, nul scandale n’en est arrivé ; aussi laissa-t-on vivre en paix Spinosa en Hollande, comme on avait laissé Lucrèce en repos à Rome.

Mais paraît-il parmi vous quelque livre nouveau dont les idées choquent un peu les vôtres (supposé que vous ayez des idées), ou dont l’auteur soit d’un parti contraire à votre faction, ou, qui pis est, dont l’auteur ne soit d’aucun parti : alors vous criez au feu ; c’est un bruit, un scandale, un vacarme universel dans votre petit coin de terre. Voilà un homme abominable, qui a imprimé que si nous n’avions point de mains, nous ne pourrions faire des bas ni des souliers[38] : quel blasphème ! Les dévotes crient, les docteurs fourrés s’assemblent, les alarmes se multiplient de collége en collége, de maison en maison ; des corps entiers sont en mouvement ; et pourquoi ? pour cinq ou six pages dont il n’est plus question au bout de trois mois. Un livre vous déplaît-il, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas.

Oh ! me dites-vous, les livres de Luther et de Calvin ont détruit la religion romaine dans la moitié de l’Europe. Que ne dites- vous aussi que les livres du patriarche Photius ont détruit cette religion romaine en Asie, en Afrique, en Grèce et en Russie ?

Vous vous trompez bien lourdement quand vous pensez que vous avez été ruinés par des livres. L’empire de Russie a deux mille lieues d’étendue, et il n’y a pas six hommes qui soient au fait des points controversés entre l’Église grecque et la latine. Si le moine Luther, si le chanoine Jean Chauvin, si le curé Zuingle, s’étaient contentés d’écrire, Rome subjuguerait encore tous les États qu’elle a perdus ; mais ces gens-là et leurs adhérents couraient de ville en ville, de maison en maison, ameutaient des femmes, étaient soutenus par des princes. La furie qui agitait Amate, et qui la fouettait comme un sabot, à ce que dit Virgile[39], n’était pas plus turbulente. Sachez qu’un capucin enthousiaste, factieux, ignorant, souple, véhément, émissaire de quelque ambitieux, prêchant, confessant, communiant, cabalant, aura plus tôt bouleversé une province que cent auteurs ne l’auront éclairée. Ce n’est pas l’Alcoran qui fit réussir Mahomet, ce fut Mahomet qui fit le succès de l’Alcoran.

Non, Rome n’a point été vaincue par des livres : elle l’a été pour avoir révolté l’Europe par ses rapines, par la vente publique des indulgences ; pour avoir insulté aux hommes, pour avoir voulu les gouverner comme des animaux domestiques, pour avoir abusé de son pouvoir à un tel excès qu’il est étonnant qu’il lui soit resté un seul village. Henri VIII, Élisabeth, le duc de Saxe, le landgrave de Hesse, les princes d’Orange, les Condé, les Coligny, ont tout fait, et les livres rien. Les trompettes n’ont jamais gagné de batailles, et n’ont fait tomber de murs que ceux de Jéricho.

Vous craignez les livres comme certaines bourgades ont craint les violons. Laissez lire, et laissez danser : ces deux amusements ne feront jamais de mal au monde.

FANATISME



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SECTION PREMIÈRE[35].
C’est l’effet d’une fausse conscience qui asservit la religion aux caprices de l’imagination et aux dérèglements des passions.

En général, il vient de ce que les législateurs ont eu des vues trop étroites, ou de ce qu’on a passé les bornes qu’ils se prescrivaient. Leurs lois n’étaient faites que pour une société choisie. Étendues par le zèle à tout un peuple, et transportées par l’ambition d’un climat à l’autre, elles devaient changer et s’accommoder aux circonstances des lieux et des personnes. Mais qu’est-il arrivé ? c’est que certains esprits d’un caractère plus proportionné à celui du petit troupeau pour lequel elles avaient été faites, les ont reçues avec la même chaleur, en sont devenus les apôtres et même les martyrs, plutôt que de démordre d’un seul iota. Les autres, au contraire, moins ardents, ou plus attachés à leurs préjugés d’éducation, ont lutté contre le nouveau joug, et n’ont consenti à l’embrasser qu’avec des adoucissements ; et de là le schisme entre les rigoristes et les mitigés, qui les rend tous furieux, les uns pour la servitude et les autres pour la liberté.

Imaginons une immense rotonde[36] un panthéon à mille autels ; et, placés au milieu du dôme, figurons-nous un dévot de chaque secte, éteinte ou subsistante, aux pieds de la divinité qu’il honore à sa façon, sous toutes les formes bizarres que l’imagination a pu créer. À droite, c’est un contemplatif étendu sur une natte, qui attend, le nombril en l’air, que la lumière céleste vienne investir son âme. À gauche, c’est un énergumène prosterné qui frappe du front contre la terre, pour en faire sortir l’abondance. Là, c’est un saltimbanque qui danse sur la tombe de celui qu’il invoque. Ici, c’est un pénitent immobile et muet comme la statue devant laquelle il s’humilie. L’un étale ce que la pudeur cache, parce que Dieu ne rougit pas de sa ressemblance ; l’autre voile jusqu’à son visage, comme si l’ouvrier avait horreur de son ouvrage. Un autre tourne le dos au midi, parce que c’est là le vent du démon ; un autre tend les bras vers l’orient, où Dieu montre sa face rayonnante. De jeunes filles en pleurs meurtrissent leur chair encore innocente pour apaiser le démon de la concupiscence, par des moyens capables de l’irriter ; d’autres, dans une posture tout opposée, sollicitent les approches de la Divinité. Un jeune homme, pour amortir l’instrument de la virilité, y attache des anneaux de fer d’un poids proportionné à ses forces ; un autre arrête la tentation dès sa source, par une amputation tout à fait inhumaine, et suspend à l’autel les dépouilles de son sacrifice.

Voyons-les tous sortir du temple, et, pleins du dieu qui les agite, répandre la frayeur et l’illusion sur la face de la terre. Ils se partagent le monde, et bientôt le feu s’allume aux quatre extrémités ; les peuples écoutent, et les rois tremblent. Cet empire que l’enthousiasme d’un seul exerce sur la multitude qui le voit ou l’entend, la chaleur que les esprits rassemblés se communiquent, tous ces mouvements tumultueux, augmentés par le trouble de chaque particulier, rendent en peu de temps le vertige général. C’est assez d’un peuple enchanté à la suite de quelques imposteurs, la séduction multipliera les prodiges, et voilà tout le monde à jamais égaré. L’esprit humain, une fois sorti des routes lumineuses de la nature, n’y rentre plus ; il erre autour de la vérité sans en rencontrer autre chose que des lueurs, qui, se mêlant aux fausses clartés dont la superstition l’environne, achèvent de l’enfoncer dans les ténèbres.

Il est affreux de voir comment l’opinion d’apaiser le ciel par le massacre, une fois introduite, s’est universellement répandue dans presque toutes les religions, et combien on a multiplié les raisons de ce sacrifice, afin que personne ne pût échapper au couteau. Tantôt ce sont des ennemis qu’il faut immoler à Mars exterminateur, les Scythes égorgent à ses autels le centième de leurs prisonniers, et par cet usage de la victoire on peut juger de la justice de la guerre ; aussi chez d’autres peuples ne la faisait-on que pour avoir de quoi fournir aux sacrifices ; de sorte qu’ayant d’abord été institués, ce semble, pour en expier les horreurs, ils servirent enfin à les justifier.

Tantôt ce sont des hommes justes qu’un Dieu barbare demande pour victimes : les Gètes se disputent l’honneur d’aller porter à Zamolxis les vœux de la patrie. Celui qu’un heureux sort destine au sacrifice est lancé à force de bras sur des javelots dressés : s’il reçoit un coup mortel en tombant sur les piques, c’est de bon augure pour le succès de la négociation et pour le mérite du député ; mais s’il survit à sa blessure, c’est un méchant dont le dieu n’a point affaire.

Tantôt ce sont des enfants à qui les dieux redemandent une vie qu’ils viennent de leur donner : justice affamée du sang de l’innocence, dit Montaigne[37]. Tantôt c’est le sang le plus cher : les Carthaginois immolaient leurs propres fils à Saturne, comme si le temps ne les dévorait pas assez tôt. Tantôt c’est le sang le plus beau : cette même Amestris qui avait fait enfuir douze hommes vivants dans la terre pour obtenir de Pluton, par cette offrande, une plus longue vie, cette Amestris sacrifie encore à cette insatiable divinité quatorze jeunes enfants des premières maisons de la Perse, parce que les sacrificateurs ont toujours fait entendre aux hommes qu’ils devaient offrir à l’autel ce qu’ils avaient de plus précieux. C’est sur ce principe que, chez quelques nations, on immolait les premiers-nés, et que chez d’autres on les rachetait par des offrandes plus utiles aux ministres du sacrifice. C’est ce qui autorisa sans doute en Europe la pratique de quelques siècles, de vouer les enfants au célibat dès l’âge de cinq ans, et d’emprisonner dans le cloître les frères du prince héritier, comme on les égorge en Asie.

Tantôt c’est le sang le plus pur : n’y a-t-il pas des Indiens qui exercent l’hospitalité envers tous les hommes, et qui se font un mérite de tuer tout étranger vertueux et savant qui passera chez eux, afin que ses vertus et ses talents leur demeurent ? Tantôt c’est le sang le plus sacré : chez la plupart des idolâtres, ce sont les prêtres qui font la fonction des bourreaux à l’autel ; et chez les Sibériens on tue les prêtres pour les envoyer prier dans l’autre monde à l’intention du peuple.

Mais voici d’autres fureurs et d’autres spectacles. Toute l’Europe passe en Asie par un chemin inondé du sang des Juifs, qui s’égorgent de leurs propres mains pour ne pas tomber sous le fer de leurs ennemis. Cette épidémie dépeuple la moitié du monde habité : rois, pontifes, femmes, enfants et vieillards, tout cède au vertige sacré qui fait égorger pendant deux siècles des nations innombrables sur le tombeau d’un Dieu de paix. C’est alors qu’on vit des oracles menteurs, des ermites guerriers ; les monarques dans les chaires, et les prélats dans les camps ; tous les états se perdre dans une populace insensée ; les montagnes et les mers franchies ; de légitimes possessions abandonnées pour voler à des conquêtes qui n’étaient plus la terre promise ; les mœurs se corrompre sous un ciel étranger ; des princes, après avoir dépouillé leurs royaumes pour racheter un pays qui ne leur avait jamais appartenu, achever de les ruiner pour leur rançon personnelle ; des milliers de soldats égarés sous plusieurs chefs, n’en reconnaître aucun, hâter leur défaite par la défection ; et cette maladie ne finir que pour faire place à une contagion encore plus horrible.

Le même esprit de fanatisme entretenait la fureur des conquêtes éloignées : à peine l’Europe avait réparé ses pertes que la découverte d’un nouveau monde hâta la ruine du nôtre. À ce terrible mot : Allez et forcez, l’Amérique fut désolée et ses habitants exterminés ; l’Afrique et l’Europe s’épuisèrent en vain pour la repeupler ; le poison de l’or et du plaisir ayant énervé l’espèce, le monde se trouva désert, et fut menacé de le devenir tous les jours davantage par les guerres continuelles qu’alluma sur notre continent l’ambition de s’étendre dans ces îles étrangères.

Comptons maintenant les milliers d’esclaves que le fanatisme a faits, soit en Asie, où l’incirconcision était une tache d’infamie ; soit en Afrique, où le nom de chrétien était un crime ; soit en Amérique, où le prétexte du baptême étouffa l’humanité. Comptons les milliers d’hommes que l’on a vus périr ou sur les échafauds dans les siècles de persécution, ou dans les guerres civiles par la main de leurs concitoyens, ou de leurs propres mains par des macérations excessives. Parcourons la surface de la terre, et après avoir vu d’un coup d’œil tant d’étendards déployés au nom de la religion, en Espagne contre les Maures, en France contre les Turcs, en Hongrie contre les Tartares ; tant d’ordres militaires fondés pour convertir les infidèles à coups d’épée, s’entr’égorger au pied de l’autel qu’ils devaient défendre, détournons nos regards de ce tribunal affreux élevé sur le corps des innocents et des malheureux pour juger les vivants comme Dieu jugera les morts, mais avec une balance bien différente.

En un mot, toutes les horreurs de quinze siècles renouvelées plusieurs fois dans un seul, des peuples sans défense égorgés au pied des autels, des rois poignardés ou empoisonnés, un vaste État réduit à sa moitié par ses propres citoyens, la nation la plus belliqueuse et la plus pacifique divisée d’avec elle-même, le glaive tiré entre le fils et le père, des usurpateurs, des tyrans, des bourreaux, des parricides et des sacriléges, violant toutes les conventions divines et humaines par esprit de religion : voilà l’histoire du fanatisme et ses exploits.


SECTION II[38].
Si cette expression tient encore à son origine, ce n’est que par un filet bien mince.

Fanaticus était un titre honorable ; il signifiait desservant ou bienfaiteur d’un temple. Les antiquaires, comme le dit le Dictionnaire de Trévoux, ont retrouvé des inscriptions dans lesquelles des Romains considérables prenaient ce titre de fanaticus.

Dans la harangue de Cicéron pro domo sua, il y a un passage où le mot fanaticus me paraît difficile à expliquer. Le séditieux et débauché Clodius, qui avait fait exiler Cicéron pour avoir sauvé la république, non-seulement avait pillé et démoli les maisons de ce grand homme ; mais, afin que Cicéron ne pût jamais rentrer dans sa maison de Rome, il en avait consacré le terrain, et les prêtres y avaient bâti un temple à la Liberté, ou plutôt à l’esclavage dans lequel César, Pompée, Crassus et Clodius, tenaient alors la république : tant la religion, dans tous les temps, a servi à persécuter les grands hommes !

Lorsque enfin, dans un temps plus heureux, Cicéron fut rappelé, il plaida devant le peuple pour obtenir que le terrain de sa maison lui fût rendu, et qu’on la rebâtît aux frais du peuple romain. Voici comme il s’exprime dans son plaidoyer contre Clodius (Oratio pro domo sua, cap, xl) :

« Adspicite, adspicite, pontifices, hominem religiosum, et,.... monete eum, modum quemdam esse religionis : nimium esse superstitiosum non oportere. Quid tibi necesse fuit anili superstitione, homo fanatice, sacrificium, quod alienæ domi fieret, invisere ? »

Le mot fanaticus signifie-t-il en cette place insensé fanatique, impitoyable fanatique, abominable fanatique, comme on l’entend aujourd’hui ? ou bien signifie-t-il pieux, consécrateur, homme religieux, dévot zélateur des temples ? ce mot est-il ici une injure ou une louange ironique ? Je n’en sais pas assez pour décider, mais je vais traduire :

« Regardez, pontifes, regardez cet homme religieux ; avertissez-le que la religion même a ses bornes, qu’il ne faut pas être si scrupuleux. Quel besoin, vous consécrateur, vous fanatique, quel besoin avez-vous de recourir à des superstitions de vieille pour assister à un sacrifice qui se faisait dans une maison étrangère ? »

Cicéron fait ici allusion aux mystères de la bonne déesse, que Clodius avait profanés en se glissant déguisé en femme avec une vieille, pour entrer dans la maison de César et pour y coucher avec sa femme : c’est donc ici évidemment une ironie.

Cicéron appelle Clodius homme religieux ; l’ironie doit donc être soutenue dans tout ce passage. Il se sert de termes honorables pour mieux faire sentir la honte de Clodius. Il me paraît donc qu’il emploie le mot fanatique comme un mot honorable, comme un mot qui emporte avec lui l’idée de consécrateur, de pieux, de zélé desservant d’un temple.

On put depuis donner ce nom à ceux qui se crurent inspirés par les dieux.

Les dieux à leur interprète
Ont fait un étrange don :
Ne peut-on être prophète
Sans qu’on perde la raison ?

Le même Dictionnaire de Trévoux dit que les anciennes chroniques de France appellent Clovis fanatique et païen. Le lecteur désirerait qu’on nous eût désigné ces chroniques. Je n’ai point trouvé cette épithète de Clovis dans le peu de livres que j’ai vers le mont Krapack, où je demeure.

On entend aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C’est une maladie de l’esprit qui se gagne comme la petite-vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s’échauffe rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Mais quand un homme ardent et d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. Il crie : Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n’est qu’humain ; combattez les combats du Seigneur[39] ; et on va combattre.

[40] Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère.

Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances : il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu.

Barthélemy Diaz fut un fanatique profès. Il avait à Nuremberg un frère, Jean Diaz, qui n’était encore qu’enthousiaste luthérien, vivement convaincu que le pape est l’antechrist, ayant le signe de la bête. Barthélemy, encore plus vivement persuadé que le pape est Dieu en terre, part de Rome pour aller convertir ou tuer son frère : il l’assassine ; voilà du parfait, et nous avons ailleurs rendu justice à ce Diaz[41].

Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité, renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatique moins horrible que Diaz, mais non moins sot. Les assassins du duc François de Guise, de Guillaume prince d’Orange, du roi Henri III, du roi Henri IV, et de tant d’autres, étaient des énergumènes malades de la même rage que Diaz.

Le plus grand exemple[42] de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. [43] Guyon, Patouillet, Chaudon, Nonotte, l’ex-jésuite Paulian[44], ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde ; mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraient de grandes choses.

Il y a des fanatiques de sang-froid : ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n’ont d’autre crime que de ne pas penser comme eux ; et ces juges-là sont d’autant plus coupables, d’autant plus dignes de l’exécration du genre humain, que, n’étant pas dans un accès de fureur comme les Clément, les Chastel, les Ravaillac, les Damiens, il semble qu’ils pourraient écouter la raison[45].

Il n’est d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal : car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod, qui assassine le roi Églon ; de Judith, qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel, qui hache en morceaux le roi Agag ; du prêtre Joad, qui assassine sa reine à la porte aux chevaux, etc., etc., etc. Ils ne voient pas que ces exemples, qui sont respectables dans l’antiquité, sont abominables dans le temps présent : ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.

Les lois sont encore très-impuissantes contre ces accès de rage : c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.

Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?

[46] Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrés parmi eux ; leurs yeux s’enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.

Oui, je les ai vus ces convulsionnaires, je les ai vus tordre leurs membres et écumer. Ils criaient : Il faut du sang. Ils sont parvenus à faire assassiner leur roi par un laquais[47], et ils ont fini par ne crier que contre les philosophes.

Ce sont presque toujours[48] les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait. Il n’y a eu qu’une seule religion dans le monde qui n’ait pas été souillée par le fanatisme, c’est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non-seulement exemples de cette peste, mais elles en étaient le remède : car l’effet de la philosophie est de rendre l’âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre.

Ainsi du plumage qu’il eut
Icare pervertit l’usage :
Il le reçut pour son salut,
Il s’en servit pour son dommage.

(Bertaud, évêque de Séez.)
SECTION III[49].
Les fanatiques ne combattent pas toujours les combats du Seigneur[50]. ils n’assassinent pas toujours des rois et des princes. Il y a parmi eux des tigres, mais on y voit encore plus de renards.

Quel tissu de fourberies, de calomnies, de larcins, tramé par les fanatiques de la cour de Rome contre les fanatiques de la cour de Calvin ; des jésuites contre les jansénistes, et vicissim ! et si vous remontez plus haut, l’histoire ecclésiastique, qui est l’école des vertus, est aussi celle des scélératesses employées par toutes les sectes les unes contre les autres. Elles ont toutes le même bandeau sur les yeux, soit quand il faut incendier les villes et les bourgs de leurs adversaires, égorger les habitants, les condamner aux supplices, soit quand il faut simplement tromper, s’enrichir et dominer. Le même fanatisme les aveugle ; elles croient bien faire : tout fanatique est fripon en conscience, comme il est meurtrier de bonne foi pour la bonne cause.

Lisez, si vous pouvez, les cinq ou six mille volumes de reproches que les jansénistes et les molinistes se sont faits pendant cent ans sur leurs friponneries, et voyez si Scapin et Trivelin en approchent.

[51] Une des bonnes friponneries théologiques qu’on ait faites est, à mon gré, celle d’un petit évêque (on nous assure dans la relation que c’était un évêque biscayen ; nous trouverons bien un jour son nom et son évêché) ; son diocèse était partie en Biscaye et partie en France.

II y avait dans la partie de France une paroisse qui fut habitée autrefois par quelques Maures de Maroc. Le seigneur de la paroisse n’est point mahométan ; il est très-bon catholique comme tout l’univers doit l’être, attendu que le mot catholique veut dire universel.

M. l’évêque soupçonna ce pauvre seigneur, qui n’était occupé qu’à faire du bien, d’avoir eu de mauvaises pensées, de mauvais sentiments dans le fond de son cœur, je ne sais quoi qui sentait l’hérésie. Il l’accusa même d’avoir dit en plaisantant qu’il y avait d’honnêtes gens à Maroc comme en Biscaye, et qu’un honnête Marocain pouvait à toute force n’être pas le mortel ennemi de l’Être suprême, qui est le père de tous les hommes.

Notre fanatique écrivit une grande lettre au roi de France, seigneur suzerain de ce pauvre petit seigneur de paroisse. Il pria dans sa lettre le seigneur suzerain de transférer le manoir de cette ouaille infidèle en Basse-Bretagne ou en Basse-Normandie, selon le bon plaisir de Sa Majesté, afin qu’il n’infectât plus les Basques de ses mauvaises plaisanteries.

Le roi de France et son conseil se moquèrent, comme de raison, de cet extravagant.

Notre pasteur biscayen, ayant appris quelque temps après que sa brebis française était malade, défendit au porte-Dieu du canton de la communier, à moins qu’elle ne donnât un billet de confession par lequel il devait apparaître que le mourant n’était point circoncis, qu’il condamnait de tout son cœur l’hérésie de Mahomet, et toute autre hérésie dans ce goût, comme le calvinisme et le jansénisme, et qu’il pensait en tout comme lui évêque biscayen.

Les billets de confession étaient alors fort à la mode. Le mourant fit venir chez lui son curé, qui était un ivrogne imbécile, et le menaça de le faire pendre par le parlement de Bordeaux s’il ne lui donnait pas tout à l’heure le viatique, dont lui mourant se sentait un extrême besoin. Le curé eut peur ; il administra mon homme, lequel, après la cérémonie, déclara hautement devant témoins que le pasteur biscayen l’avait faussement accusé auprès du roi d’avoir du goût pour la religion musulmane, qu’il était bon chrétien, et que le Biscayen était un calomniateur. Il signa cet écrit par-devant notaire[52] ; tout fut en règle : il s’en porta mieux, et le repos de la bonne conscience le guérit bientôt entièrement.

Le petit Biscayen, outré qu’un vieux moribond se fût moqué de lui, résolut de s’en venger ; et voici comme il s’y prit.

Il fit fabriquer en son patois, au bout de quinze jours, une prétendue profession de foi que le curé prétendit avoir entendue. On la fit signer par le curé et par trois ou quatre paysans qui n’avaient point assisté à la cérémonie. Ensuite on fit contrôler cet acte de faussaire, comme si ce contrôle l’avait rendu authentique[53].

Un acte non signé par la partie seule intéressée, un acte signé par des inconnus, quinze jours après l’événement, un acte désavoué par des témoins véritables, était visiblement un crime de faux ; et comme il s’agissait de matière de foi, ce crime menait visiblement le curé avec ses faux témoins aux galères dans ce monde, et en enfer dans l’autre.

Le petit seigneur châtelain, qui était goguenard et point méchant, eut pitié de l’âme et du corps de ces misérables ; il ne voulut point les traduire devant la justice humaine, et se contenta de les traduire en ridicule. Mais il a déclaré que dès qu’il serait mort, il se donnerait le plaisir de faire imprimer toute cette manœuvre de son Biscayen avec les preuves, pour amuser le petit nombre de lecteurs qui aiment ces anecdotes, et point du tout pour instruire l’univers : car il y a tant d’auteurs qui parlent à l’univers, qui s’imaginent rendre l’univers attentif, qui croient l’univers occupé d’eux, que celui-ci ne croit pas être lu d’une douzaine de personnes dans l’univers entier. Revenons au fanatisme.

C’est cette rage de prosélytisme, cette fureur d’amener les autres à boire de son vin, qui amena le jésuite Castel et le jésuite Routh auprès du célèbre Montesquieu lorsqu’il se mourait. Ces deux énergumènes voulaient se vanter de lui avoir persuadé les mérites de l’attrition et de la grâce suffisante. Nous l’avons converti, disaient-ils ; c’était dans le fond une bonne âme ; il aimait fort la compagnie de Jésus. Nous avons eu un peu de peine à le faire convenir de certaines vérités fondamentales ; mais comme dans ces moments-là on a toujours l’esprit plus net, nous l’avons bientôt convaincu.

Ce fanatisme de convertisseur est si fort que le moine le plus débauché quitterait sa maîtresse pour aller convertir une âme à l’autre bout de la ville.

Nous avons vu le P. Poisson, cordelier à Paris, qui ruina son couvent pour payer ses filles de joie, et qui fut enfermé pour ses mœurs dépravées : c’était un des prédicateurs de Paris les plus courus, et un des convertisseurs les plus acharnés.

Tel était le célèbre curé de Versailles Fantin. Cette liste pourrait être longue ; mais il ne faut pas révéler les fredaines de certaines personnes constituées en certaines places. Vous savez ce qui arriva à Cham pour avoir révélé la turpitude de son père ; il devint noir comme du charbon.

Prions Dieu seulement, en nous levant et en nous couchant, qu’il nous délivre des fanatiques, comme les pèlerins de la Mecque prient Dieu de ne point rencontrer de visages tristes sur leur chemin.


SECTION IV.[54]
Ludlow, enthousiaste de la liberté plutôt que fanatique de religion, ce brave homme qui avait plus de haine pour Cromwell que pour Charles Ier rapporte que les milices du parlement étaient toujours battues par les troupes du roi, dans le commencement de la guerre civile, comme le régiment des portes-cochères ne tenait pas, du temps de la Fronde, contre le grand Condé. Cromwell dit au général Fairfax : « Comment voulez-vous que des portefaix de Londres et des garçons de boutique indisciplinés résistent à une noblesse animée par le fantôme de l’honneur ? Présentons-leur un plus grand fantôme, le fanatisme. Nos ennemis ne combattent que pour le roi ; persuadons à nos gens qu’ils font la guerre pour Dieu. Donnez-moi une patente, je vais lever un régiment de frères meurtriers, et je vous réponds que j’en ferai des fanatiques invincibles. »

Il n’y manqua pas, il composa son régiment des frères rouges de fous mélancoliques ; il en fit des tigres obéissants. Mahomet n’avait pas été mieux servi par ses soldats.

Mais pour inspirer ce fanatisme, il faut que l’esprit du temps vous seconde. Un parlement de France essayerait en vain aujourd’hui de lever un régiment de portes-cochères ; il n’ameuterait pas seulement dix femmes de la halle.

Il n’appartient qu’aux habiles de faire des fanatiques et de les conduire ; mais ce n’est pas assez d’être fourbe et hardi, nous avons déjà vu que tout dépend de venir au monde à propos[55].
SECTION V[56].
La géométrie ne rend donc pas toujours l’esprit juste. Dans quel précipice ne tombe-t-on pas encore avec ces lisières de la raison ? Un fameux protestant[57], que l’on comptait entre les premiers mathématiciens de nos jours et qui marchait sur les traces des Newton, des Leibnitz, des Bernouilli, s’avisa, au commencement de ce siècle, de tirer des corollaires assez singuliers. Il est dit[58] qu’avec un grain de foi on transportera des montagnes ; et lui, par une analyse toute géométrique, se dit à lui-même : J’ai beaucoup de grains de foi, donc je ferai plus que transporter des montagnes. Ce fut lui qu’on vit à Londres, en l’année 1707, accompagné de quelques savants, et même de savants qui avaient de l’esprit, annoncer publiquement qu’ils ressusciteraient un mort dans tel cimetière que l’on voudrait. Leurs raisonnements étaient toujours conduits par la synthèse. Ils disaient : Les vrais disciples doivent faire des miracles ; nous sommes les vrais disciples, nous ferons donc tout ce qu’il nous plaira. Des impies saints de l’Église romaine, qui n’étaient point géomètres, ont ressuscité beaucoup d’honnêtes gens : donc, à plus forte raison, nous, qui avons réformé les réformés, nous ressusciterons qui nous voudrons.

Il n’y a rien à répliquer à ces arguments ; ils sont dans la meilleure forme du monde. Voilà ce qui a inondé l’antiquité de prodiges ; voilà pourquoi les temples d’Esculape à Épidaure, et dans d’autres villes, étaient pleins d’ex-voto ; les voûtes étaient ornées de cuisses redressées, de bras remis, de petits enfants d’argent : tout était miracle.

Enfin le fameux protestant géomètre dont je parle était de si bonne foi, il assura si positivement qu’il ressusciterait les morts, et cette proposition plausible fit tant d’impression sur le peuple, que la reine Anne fut obligée de lui donner un jour, une heure et un cimetière à son choix, pour faire son miracle loyalement et en présence de la justice. Le saint géomètre choisit l’église cathédrale de Saint-Paul pour faire sa démonstration : le peuple se rangea en haie ; des soldats furent placés pour contenir les vivants et les morts dans le respect ; les magistrats prirent leurs places ; le greffier écrivit tout sur les registres publics ; on ne peut trop constater les nouveaux miracles. On déterra un corps au choix du saint ; il pria, il se jeta à genoux, il fit de très-pieuses contorsions ; ses compagnons l’imitèrent : le mort ne donna aucun signe de vie ; on le reporta dans son trou, et on punit légèrement le ressusciteur et ses adhérents. J’ai vu depuis un de ces pauvres gens ; il m’a avoué qu’un d’eux était en péché véniel, et que le mort en pâtit, sans quoi la résurrection était infaillible.

S’il était permis de révéler la turpitude de gens à qui l’on doit le plus sincère respect, je dirais ici que Newton, le grand Newton, a trouvé dans l’Apocalypse que le pape est l’antechrist, et bien d’autres choses de cette nature ; je dirais qu’il était arien très-sérieusement. Je sais que cet écart de Newton est à celui de mon autre géomètre comme l’unité est à l’infini : il n’y a point de comparaison à faire. Mais quelle pauvre espèce que le genre humain, si le grand Newton a cru trouver dans l’Apocalypse l’histoire présente de l’Europe !

Il semble que la superstition soit une maladie épidémique dont les âmes les plus fortes ne sont pas toujours exemptes. Il y a en Turquie des gens de très-bon sens, qui se feraient empaler pour certains sentiments d’Abubeker. Ces principes une fois admis, ils raisonnent très-conséquemment ; les navariciens, les radaristes, les jabaristes, se damnent chez eux réciproquement avec des arguments très-subtils ; ils tirent tous des conséquences plausibles, mais ils n’osent jamais examiner les principes.

Quelqu’un répand dans le monde qu’il y a un géant haut de soixante et dix pieds ; bientôt après tous les docteurs examinent de quelle couleur doivent être ses cheveux, de quelle grandeur est son pouce, quelles dimensions ont ses ongles : on crie, on cabale, on se bat ; ceux qui soutiennent que le petit doigt du géant n’a que quinze lignes de diamètre font brûler ceux qui affirment que le petit doigt a un pied d’épaisseur. « Mais, messieurs, votre géant existe-t-il ? dit modestement un passant. — Quel doute horrible ! s’écrient tous ces disputants ; quel blasphème ! quelle absurdité ! » Alors ils font tous une petite trêve pour lapider le passant ; et après l’avoir assassiné en cérémonie, de la manière la plus édifiante, ils se battent entre eux comme de coutume au sujet du petit doigt et des ongles.



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